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Soutien / Depuis le mois de mai, Lyon compte une nouvelle nuée d’alliées dans ses rues, pour lutter contre les violences de genre, sexistes et sexuelles — dans le domaine des arts et de la culture. Le mouvement Allié·e·s, ramification de l’association HF, vient d’ouvrir un espace d’accueil avec des permanences d’écoute dans le 1er arrondissement.
« Je ne supporte plus les regards insistants d’un collègue / les blagues sur mon apparence physique », « personne ne veut utiliser mon prénom d’usage dans ma structure », « je vis mal mon retour de congés maternité », « je ne sais pas si les remarques et comportements d’un·e prof sont normaux », « il y a un cas d’agression sexuelle dans ma structure et je ne sais pas quoi faire »… sont autant de raisons qui poussent des victimes ou témoins de VHSS (violences et harcèlement sexistes et sexuels) — dans le secteur des arts et de la culture — à faire appel à HF, association pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine des arts et de la culture. Car, spoiler, le secteur n’en est pas exempt.
Dans un milieu vantard de son ouverture à l’autre et à la différence, résolument progressiste, propice à la création, il n’en reste pas moins dominé par le patriarcat, et violent. Une femme sur cinq pourrait être victime de harcèlement sexuel au cours de sa vie professionnelle dans ce milieu. 70 % des victimes n'en parlent pas à leur supérieur·e hiérarchique. 5 % déposent plainte*. Dans les écoles d’art, 55 % des répondant·es déclarent avoir été témoin d'agissements sexistes et 9 % d'agressions sexuelles. ** 48 % des enquêté·es ont été victimes d’abus sexuel. (51 % musique, 53 % théâtre et 29 % danse)***
Mais, plutôt que de rester tétanisé face à l’ampleur des témoignages, d’aucun·e·s se mobilisent, la rage au ventre, « pour opérer des changements structurel et sur toute une société, aux bénéfices de toutes et tous » positive Marie-Emmanuelle Pourchaire — coordinatrice du projet Allié·e·s (ramification de HF) et missionnée depuis 2022 à la mise en place du dispositif en région AURA.
Un lieu neutre à l’écoute
Depuis le mois de mai, un lieu d’écoute, de soutien, et d’orientation est ouvert rue Major Martin (Lyon 1er), sur le modèle du seul autre existant en France — à Toulouse. Allié·e·s accueille toute personne victime ou témoin de situations de violences sexistes, sexuelles ou de genre dans les arts et la culture. Salarié·e·s, indépendant·e·s, étudiant·e·s en école d’art, délégué·e·s du personnel, stagiaires, syndicalistes, élu·e·s de la culture… « c’est un espace neutre et accueillant où l’on peut poser ses questions, partager ses doutes, se renseigner sur les démarches possibles, trouver des forces et des ressources » développe la coordinatrice.
Le projet, enclenché grâce à un financement du Centre national de la musique (CNM) pour dupliquer le dispositif toulousain, reçut immédiatement l’enthousiasme de HF+ AURA et « une énorme implication de Ville de Lyon » — avec une mise à disposition d’un lieu et des financements (pour un projet coûteux de 30 000€).
Besoin de dire
La première permanence naît à Toulouse, d’une enquête territoriale menée par les militantes HF sur le secteur et ses besoins. Emerge alors la nécessité de créer des espaces collectifs pour prévenir les violences de genre et d’accompagner individuellement les personnes qui vivent des violences au travail. Un besoin de dire, d’être aidé·e et outillé·e. Puis « HF midi Pyrénées s’est transformé en Allié·e·s pour organiser le militantisme autour de l’écoute. Cela a attiré une autre forme de militantisme, de personnes qui voulaient être dans l’action, qui en avaient marre de toutes les violences systémiques du secteur qui harcèle, intimide, limite, violente… »
Treize écoutantes
À Lyon, une équipe de treize écoutantes a suivi une formation exigeante de six journées. (pour l’instant les formations obligatoires de l’État sur les VHSS peuvent se résumer à une matinée). « Former correctement, c’est aussi s’assurer que peu à peu, tout le secteur est capable de réagir et que les choses peuvent évoluer de l’intérieur. Ces sessions à l’écoute sont situées, militantes, féministes. » Pour Marie-Emmanuelle, il est primordial que ce soit le secteur qui écoute le secteur « car on a des risques psychosociaux tellement précis, que si on ne le vit pas, on ne peut pas comprendre. » C’est pourquoi les permanences sont tenues par des professionnel·l·e·s de la culture qui s’investissent bénévolement.
Un encrage local primordial
Ici, deux fois par mois, des binômes d’écoutantes tiennent des permanences par créneaux d’une heure, gratuitement et garantissant l’anonymat et la sécurité absolue. À l’issue de l’écoute, une orientation est proposée vers des dispositifs adaptés (juridique, psychologique, groupes de paroles, associations…) — repérés et rencontrés auparavant, dans un ancrage local. « L’enjeu est de labelliser la situation et de trouver comment mettre en route la capacité d’agir, puis diagnostiquer de quelles ressources on dispose. Qui ne sont pas forcement des ressources juridiques immédiates. Si elles le sont, une orientation vers le dispositif d’écoute Audience peut être proposée. » Des personnes expertes dans certains domaines complètent l'équipe — comme le docteur en psychologie et formateur de l’Association pour le Soin Queer et Féministe, Kyn Yoram Krakowsky — et l'avocate et formatrice Sara Khoury.
En 2006, Reine Prat a rebattu les cartes. Brandissant son rapport accablant sur les inégalités femmes-hommes dans le monde de la culture, elle a déclenché une mobilisation concrète, entrainant une prise de conscience collective. C’est de l’urgence de trouver des réponses politiques et féministes aux VHSS qu’à germé le mouvement Allié·e·s — qui, depuis 2008 et via HF Rhône Alpes, lutte contre l’isolement des victimes et opère un changement de paradigme. Les voix commencent à se faire entendre, des Allié·e·s apparaissent et replacent la responsabilité des agressions là où elle doit être : du côté des agresseur·e·s.
Permanence d’écoute Allié·es
Les premiers mardis du mois et les troisièmes jeudis du mois sur rendez-vous, via allieeshfaura.org/accueil
*source : site de la cgt dans le Rapport du Haut Conseil à l’Egalité.
** source : enquête réalisée par le ministère de la culture auprès des écoles supérieures d'art en 2020 / 9400 réponses
*** source : site Allié•e•s, sondage publié le 24 Novembre 2017 par le magazine Arts Professionnal reprenant plusieurs enquêtes menées en Grande-Bretagne.
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