Théâtre / Reprogrammée dix ans après sa création : Cannibale est immanquable car tout l'alchimie d'un spectacle y était déjà admirablement en place.
Faire spectacle est un art savant. Ça s'apprend, ça se travaille. Il n'y pas de miracle. Quand Cannibale déboule le 9 avril 2016 au théâtre de l'Élysée, tout est là avec une haute ambition. Chacune des composantes de la fabrique du théâtre a été prise en compte avec un immense sérieux au service de l'histoire d'amour d'un jeune couple dont l'un des deux est condamné par une maladie. Qu'ils soient garçons n'est pas un sujet. Ce qui compte, c'est comment ils se touchent, s'attirent, se repoussent. En mangeant, se couchant, se douchant, conduisant.
Le mors aux dents
Presque dix ans plus tard, après l'avoir revu au festival Théâtre en mai à Dijon en 2017, il reste cette écume-là : une force physique, un combat pour tenir debout, une histoire charnelle pour dire que le corps vivant est celui qui bouge, sent, goûte, embrasse. C'est Maud Lefèbvre, formée à la Comédie de Saint-Étienne (sortie en 2013) qui confie à Agnès D'halluin le soin d'écrire ce texte à partir d'une trame ainsi que d'images très présentes sur le plateau qui empruntent beaucoup au cinéma. On regarde un appartement aux pièces bleu nuit qui parait être emprunté à Antoine Doinel, mais avec une urgence un peu plus pressante de vivre que le double truffaldien ; ça lorgne ici vers les premiers Ozon façon Gouttes d'eau sur pierres brûlantes. Humour et impertinence (comme expressions de liberté) compris.
La metteuse en scène offre aussi de l'air à son duo par le truchement d'une vidéo projetée sur un tulle à l'avant de la scène et nous voilà avec eux à bord d'une voiture à longer des allées recouvertes de feuilles mortes. Joué pas même une trentaine de fois depuis sa création fin 2014 à Saint-Étienne, et pas remis en route depuis 2019, ce n'est pas une petite nouvelle de voir revenir ce spectacle marquant aux Célestins, avec les mêmes acteurs qu'à l'origine, Arthur Fourcade et Martin Sève, fidèles des créations de François Hien. Depuis Maud Lefèbvre a signé Maja, Une femme sous influence, quitté le collectif X pour fonder The House Compagnie et a signé en novembre dernier un épatant Projet Nanashi pour et sur les ados.
Cannibale
Du 11 au 22 mars aux Célestins (Lyon 2e) ; de 8 à 26€