Le Figaro et Libération, luttant main dans la main. Marianne et L’Express, unis au combat. Ils se sont tous rassemblés, pour se battre contre le nouveau film de Lars Von Trier, Antichrist Journaux de tous les pays, unissez-vous.S'il n'est pas question ici d'enlever le droit fondamental d'un critique de cinéma d'aimer ou de ne pas aimer un film ; la manière dont les critiques ont été faites est quant à elle proprement scandaleuse. On ne base pas la critique d'un film sur un listage médiocre des quelques scènes choquantes qu'il contient. Certes, certaines scènes heurtent fortement, marquent l'esprit avec vigueur mais l'oeuvre du Danois ne saurait être réduite à ces quelques instants d'horreur. C'est faire preuve de naïveté et de paresse. Pensons à tout ce que nous manquerions si nous nous arrêtions sur les langues coupées et les excréments vus dans SaloAntichristest du même ressort, c'est une épreuve, mais une épreuve bénéfique et salutaire. On ne se permet pas de descendre un film commercialement en racontant dans les détails l'intrigue et les rebondissements. Le rôle d'un média culturel n'est pas de raconter, mais de donner son avis. Le lecteur de la presse culturelle aime le cinéma, et ne souhaite pas qu'on lui divulgue les ressorts dramatiques d'un film.On ne s'arrête pas à un degré zéro d'interprétation. Antichristconvoque de nombreuses références, il s'explique difficilement ou du moins de nombreuses façons, mais il ne contient à aucun moment de la mysoginie. Lars Von Trier n'est pas mysogine, il n'a eu de cesse de confier des rôles magnifiques, deux fois couronnés par le prix d'interprétation, à des actrices dont la carrière fut ensuite (re)lancée. Cette critique-là, reprise dans toute la presse française, relève d'un politiquement correct, d'une hypocrisie et d'une pseudo bien-pensance qui font froid dans le dos. On peut y voir un triste constat : l'homme ne se remettra jamais du mal qu'il a fait aux femmes, à moins que ce ne soit autre chose. Désir, culpabilité, folie… Dieu ? Le formaliste danois, joueur, a sûrement voulu s'amuser avec nous, comme avec ses références religieuses qui ne sont là que pour amplifier le climat d'angoisse déjà latent, opressant et intrusif, contrairement à ce que dit Christophe Chabert dans le Petit Bulletin, qui parle lui de «brouillard métaphysique»Le piège tendu aux critiques a fonctionné, appâtés par une proie facile et un scandale annoncé à Cannes, il se sont engouffrés dans le terrier du renard, sans réfléchir. Le chaos règne, rira bien qui rira le dernier.

Un film se critique grâce à des arguments cinématographiques, et Dieu sait si ce film est formidable. Virtuose de la mise en scène du début à la fin, tant en plans fixes qu'en caméra à l'épaule, le Danois convoque le meilleur de Lynch, de Bergman, de Murnau, de Jérôme Bosch et de la peinture symboliste. Il nous offre des plans somptueux, magnifiquement cadrés. L'angoisse monte, sourde et nous attend à chaque instant, tapie dans l'ombre. Loin d'être gratuite, la violence y est nécessaire, juste, touchante. «Je suis le meilleur réalisateur du monde.», disait Lars Von Trier lors d'une conférence de presse à Cannes. Il peut se le permettre.

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