Baguette magique

Emmanuel Krivine est souvent décrit comme un chef d’orchestre hors norme au caractère trempé. Peut-être oublie-t-on simplement de dire qu’il est l’un des plus grands chefs contemporains. Pascale Clavel

L’homme séduit par son intelligence artistique. Fougueux, impétueux, visionnaire dans bien des situations, Emmanuel Krivine est un chef atypique. Pour exemple, son passage à l’Orchestre National de Lyon (de 1989 à 2000 ) : après Serge Baudo et un son très français à orchestre, Krivine a su, en quelques années, donner une virtuosité, une pâte, une cohérence digne des meilleures formations européennes pour ne pas dire internationales. Il ne concède rien tant sa culture musicale est plus que parfaite, il agace tant il bouscule les lignes, il sait où il va lorsque les instrumentistes se questionnent encore sur le bien fondé d’un phrasé. Génie ? Oui, avec une dose d’humanité rare qui transpire dans tout ce qu’il propose. Il fait parti de ces artistes qui savent se mettre en danger en offrant des versions radicales où les timbres s’affirment, où chaque contraste prend sens loin des facilités et des compromis habituels. Jamais il ne se laisse enfermer dans un style et chaque œuvre qui passe par sa baguette revit avec brio : là où l’on attend une puissance rythmique, il fait sortir de l’orchestre des phrasés d’une grande sensualité ; là où le public espère le pathos, il fait jaillir une rythmique jamais encore entendue. Résidence : Saison 1
Krivine va se poser en Isère pour trois saisons, en résidence, avec la Chambre philharmonique, son orchestre atypique aux sonorités singulières. Un cadeau pour la région lorsqu’on sait que ce chef a collaboré avec les orchestres les plus prestigieux de la planète : le Berliner Philharmoniker, le Concertgebow d’Amsterdam, le London Philharmonic et bien d’autres encore. Depuis 2004, il est le chef de file de cet orchestre particulier constitué d’instrumentistes brillants venus d’Europe entière. Formation d’un genre nouveau, à géométrie variable, qui se différencie de beaucoup d’autres ne serait-ce que par son fonctionnement inédit : chef et instrumentistes ont le même statut. Depuis ses débuts à la Folle Journée de Nantes en 2004, la Chambre philharmonique a connu une ascension fulgurante et l’enregistrement de La Messe en ut de Mozart a marqué le départ d’une séries de beaux enregistrements chez Naïve. Krivine a su réunir pour cette occasion le chœur Accentus, Sandrine Piau et Paul Agnew. Le résultat est délicieux autant qu’audacieux et apporte une bouffé d’air frais dans un monde discographique souvent aseptisé et très consensuel. Trois rendez-vous sont à noter cette saison en Isère. Dès le 18 octobre, Krivine et l’orchestre Philharmonique du Luxembourg se produiront à la MC2 de Grenoble dans un programme exigeant autour du Concerto n°5 de Saint-Saëns. Le 15 janvier, il dirigera son orchestre, la Chambre philharmonique, à La Rampe – Echirolles avec deux symphonies jubilatoires de Haydn et le 19 mars, il sera à la MC2 de Grenoble où Schumann et Brahms seront à l’honneur. Il est impératif de se laisser séduire.