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Photo : Dan Ramain
Avec Derrière moi, son dernier album, Psykick Lyrikah poursuit son exploration d’un hip hop français singulier. Rencontre avec Arm, tête chercheuse de la formation. Propos recueillis par François Cau
A vos débuts, à travers les références citées dans Des lumières sous la pluie, on a pris l’habitude de vous présenter comme un rappeur français, mais qui a lu Camus et Dostoïevski… est-ce que cette image ne vous a pas en quelque sorte isolé du milieu comme du public ?
Arm : C’était du pain béni pour les journalistes d’avoir un côté rap et littérature, deux choses apparemment incompatibles… A l’époque, il y avait toute cette scène de rap indépendant avec TTC, le Klub des Losers, James Delleck, La Caution, tout le monde était mis là-dedans alors que chaque formation faisait un son différent, et je n’en faisais pas partie. Cette pseudo-scène n’a jamais existé ou tenu, donc je n’en ai pas vraiment souffert. En revanche, à un moment donné, j’ai rencontré beaucoup de gens qui me félicitaient de faire une musique « plus intelligente que du rap », et ça me mettait vraiment mal à l’aise.
Sous-entendu : il faut être illettré pour faire du rap…
Voilà. C’est une musique que j’aime, et que j’aime pour certains de ses clichés aussi, ça fait partie du délire.
Les textes de Derrière moi semblent plus amers, plus sombres que sur vos disques précédents…
Je ne l’entends pas vraiment comme ça, mais je n’ai pas encore le recul nécessaire. C’est peut-être un album qui pose moins de questions, plus assumé dans son propos et sa couleur musicale. Pendant l’enregistrement, j’étais en train de perdre mon père et je suis devenu papa en même temps, ça a débloqué beaucoup de choses chez moi. Quand je l’écoute, je n’ai pas l’impression que mes textes soient si désespérés que ça. J’aurais tendance à dire qu’il y avait peut-être plus de mélancolie dans Acte ou Vu d’ici, et qu’il y a un truc plus franc, plus massif dans Derrière moi au niveau du son, des instrus. Après ce sont des textes à tiroir, chacun y voit ce qu’il veut…
Il y a au moins un côté paradoxal : le titre de l’album sonne comme une refonte, une page qui se tourne, et un morceau comme Rien ne change affirme comme jamais votre personnalité…
Et en même temps Rien ne change, c’est l’un des seuls textes positifs que j’ai pu écrire ; enfin, c’est ma vision d’un texte positif ! Pour moi c’est le plus important de l’album, et peut-être celui qui définirait tout ce que je raconte depuis le début, avec cette notion de lutte dans l’adversité qui caractérise ce que j’écris. Au-delà de la noirceur, il y a toujours l’idée du combat, et surtout de la non résignation sous-jacente.
Vous vouliez revenir à un son plus orienté rap, est-ce pour cela que vous n’avez pas collaboré avec le guitariste Olivier Mellano, à l’inverse de vos disques précédents ?
C’était le résultat de deux choses. D’une, Olivier était très occupé à ce moment-là, il fallait que j’avance. Je n’aime pas trop courir après les gens et je sais qu’avec Olivier, si on se perd sur un projet, on peut très bien se retrouver par la suite. Puis c’était une période où j’écoutais beaucoup de rap, envie de revenir à cette couleur musicale. Il n’est pas dans l’album mais il est resté derrière, il m’a beaucoup aidé sur les choix de mix.
Et il vous accompagne en tournée ?
Tous les concerts qu’on a faits depuis la sortie de l’album se sont faits à trois, avec Robert le Magnifique et Olivier Mellano. On a réadapté les versions synthétiques et sans instruments de l’album en des versions beaucoup plus rock et plus musclées, en se rendant compte que ça marchait très bien. Il y a aussi le fait que ça fait longtemps qu’on travaille ensemble, donc c’est très facile de travailler avec eux. Ils se sont greffés très simplement sur les morceaux existants, il n’y a pas eu à faire de ménage pour laisser plus de place à la basse ou la guitare.
On vous a vu sur des scènes de théâtre pour des créations de la compagnie l’Unijambiste, Hamlet thème et variations et Richard III. Dans ce dernier, vous n’étiez pas frustré de devoir rester quasiment immobile ?
Si, c’est très dur. Pourtant, en concert, je ne bouge pas beaucoup, mais la différence c’est que je sais que je peux le faire ! Pour Richard III, en plus, je suis en costume, Olivier Mellano est très loin de moi, je ne le vois pas, le public est assis… Mais sur ce genre de travail, on est vraiment au service du récit, on est un maillon d’une chaine qu’il ne faut pas rompre ; et ça a fait ressortir une agressivité que David voulait. En même temps, là, ça fait un moment qu’on n’a pas joué, on reprend demain et je suis content d’y aller, comme je suis content de refaire des concerts. C’est vraiment un équilibre, chaque discipline apporte quelque chose à l’autre.
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