Où sont les cheffes ?

Book Club (des 5) avec Nora Bouazzouni

Mob Hôtel

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Faiminisme / Dans Faiminisme, quand le sexisme passe à table, la journaliste Nora Bouazzouni dénonce le patriarcat sous le prisme de l’alimentation. Un essai clair, précis et efficace.

En à peine cent pages et quatre chapitres, Nora Bouazzouni explique le fonctionnement de la société actuelle, démontre que les inégalités entre les femmes et les hommes sont ancrées dans nos sociétés depuis toujours et déconstruit les idées reçues les unes après les autres sans jamais mâcher ses mots. Le récit est construit, le propos documenté, le style mordant, l’écriture (inclusive) enlevée, le ton polémique et l’effet percutant. En quatre mots : ça fait du bien.

à lire aussi : Deux filles en cuisine : les Mères lyonnaises ont des héritières

Contactée par la maison d’édition Nouriturfu pour écrire un essai liant nourriture et féminisme, Nora, féministe fan de bouffe, ne s’attendait pas à en découvrir autant sur le sujet.

« En écrivant ce livre, j’ai eu l’impression de n’avoir jamais rien su avant. J’ai commencé par les points les plus évidents : les tâches domestiques et les injonctions à la minceur. Puis, au fur et à mesure que j’avançais dans mes recherches, je tombais des nues. J’ai d’ailleurs l’impression d’être devenue encore plus pessimiste qu’avant en l’écrivant. »

Nous aussi, en le lisant.

à lire aussi : Une virée dans les maquis africains

Pendant trois mois et demi, elle s’immerge dans la littérature féministe, dévore les rapports de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) et les livres d’anthropologie, et s’interroge sur toutes ces petites choses qui semblent naturelles mais qui ne le sont finalement pas. Pourquoi les femmes sont-elles plus petites que les hommes ? C’est la discrimination alimentaire déjà présente à la préhistoire – les hommes chassaient le mammouth, laissaient les miettes aux femmes, se gardant les meilleurs morceaux –, qui expliquerait le dismorphisme entre les femmes et les hommes, selon l’anthropologue Priscille Touraille. Une ségrégation nutritionnelle, et non une différence biologique.

À chacune de ses lectures, Nora Bouazzouni n’en revient pas. « Dans les manuels d’histoire-géographie que je lisais en primaire, les images illustrant une société typique de chasseurs-cueilleurs au Paléolithique montraient des hommes debout, en plein combat contre un mammouth, et des femmes penchées, en pleine récolte de plantes et autres baies comestibles, ou encore assises, occupées à donner le sein. Une division sexuelle du travail qu’aucun-e enseignant-e n’a jamais cherché à nous expliquer » écrit-elle. La division genrée est ancrée dans les mentalités.

Plus de chefs que de cheffes

Les femmes excellent en cuisine, mais il y a plus de chefs que de cheffes (94% en France). Elle rappelle que Paul Bocuse, formé par Eugénie Brazier – première femme avec Marie Bourgois à obtenir trois étoiles au guide Michelin en 1933 – affirmait en 1977 que « les femmes sont certainement de bonnes cuisinières pour une cuisine de tradition, (…) nullement inventive, (…) mais ce ne sont pas de bonnes cheftaines » (il s'en excusera par la suite). Que des croyances sexistes – comme le fait qu’une « femme ne peut pas réussir une mayonnaise lorsqu’elle a ses règles » – ont encore la dent dure. Que le Gault et Millau n’a jamais attribué 5 toques à une femme ni ne lui a décerné le prix de « cuisinier de l’année ». Que Dominique Crenn, Hélène Darroze et Ana Roš ont reçu le titre de :

« meilleure femme chef, cette récompense absurde et extraordinairement insultante, pour leur expertise dans un domaine qui n’a nullement besoin d’être genré. »

Qu’on lit « cuisine féminine » mais jamais « cuisine masculine », « le masculin ayant "valeur générique", pour citer l’Académie française. » Que cette dernière est réfractaire à la féminisation des noms de métiers : « le masculin a absorbé le féminin et parle pour lui. »

La journaliste aborde aussi le lien entre animaux et femmes (« des bouts de viande »), le végétarisme, l’anti-spécisme, et tous ces termes que certains viandards détestent sans en connaître véritablement le sens. Elle constate, solides arguments à l’appui, que les discours féministes et végétariens remettent en question une croyance construite sur une domination (de la femme ou de l’animal). Une croyance, donc, pas une vérité.

Nora Bouazzouni, Faiminisme (Nouriturfu)
Au Book Club du Mob Hotel le vendredi 3 novembre
Au salon Sous les pavés, la vigne au Palais de la Bourse le samedi 4 novembre

à lire aussi

vous serez sans doute intéressé par...

Lundi 9 mai 2022 Déjà en terrain conquis lorsqu’on entend pâtes fraîches fabriquées sur place, alors imaginez quand ce savoir-faire est offert en continu à la vue d’une clientèle (...)
Vendredi 22 avril 2022 Empreint d’une aura vintage, flashback des eighties, le bob a reconquis podiums et dressings de modeuses. Vraisemblablement, le couvre-chef (...)
Mardi 12 avril 2022 Quelque peu dissimulé au cœur du quartier de l’Alma, l’ancien couvent des Minimes s’apprête à devenir un espace foisonnant du centre-ville, entre coworking, habitat et pôle culturel. Un projet social et expérimental porté par deux Grenoblois.
Lundi 4 avril 2022 Travailleurs, forces de l’ordre, fêtards, établissements culturels et festifs, riverains… Lundi 21 mars, des dizaines d’acteurs de la nuit étaient réunis en mairie pour entendre le résultat de six mois d’enquête sur la nuit à Grenoble.
Lundi 14 mars 2022 Il faut monter 33 fois la Bastille pour équivaloir au sommet de l'Everest. Certains vont s'y atteler, ce week-end.
Lundi 14 mars 2022 Ne vous fiez pas au nom de cette enseigne, ni à la relative nonchalance de ceux qui la font tourner. Le Trankilou est une affaire qui marche et Samuel, (...)
Lundi 14 mars 2022 Alors qu’elle aurait pu rouvrir son restaurant Athanor fin mai 2021, Sonia a décidé de laisser le rideau fermé. À la place, la Grenobloise ouvre un glacier (...)
Mardi 15 février 2022 Une esquisse très graphique sur le mur, une dose outrecuidante d’orange, une petite pile de magazines à disposition, un rideau dans l’esprit seventies (...)
Mardi 15 février 2022 Il ne faudra pas prolonger le before outre mesure ces soirs-là sous peine de se faire refouler fermement à l’entrée. Pour sa réouverture (pardon, sa (...)
Mardi 15 février 2022 À l’âge de 5 ans, Mathieu Renouard avait déjà pris sa décision : plus tard, il serait cuisinier. « Quand on allait au restaurant avec mes parents, (...)
Lundi 31 janvier 2022 À ses débuts en janvier 2021, la Centrale jardinerie était un site internet offrant une jolie proposition végétale consultable en un clic. À défaut d’avoir un (...)
Mardi 18 janvier 2022 Si la marque Belle de Jupe est née en 2018, elle n’est grenobloise que depuis un an : « De Paris, j’ai décidé de revenir dans ma région (...)
Mardi 18 janvier 2022 "Narvalo", "tchoukar", "maramé" : si vous avez déjà entendu ces termes, pas de doute, vous êtes bel et bien grenoblois. Un argot de la rue, bien spécifique à la (...)

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter