Vigne / Le jeune Syndicat des vins de l'Isère organise la deuxième édition de son Salon des vins de l'Isère et d'ailleurs, à Montbonnot. Un rendez-vous qui marque le réveil d'une filière longtemps délaissée dans le département, et qui a fondé sa nouvelle identité sur la culture de cépages locaux oubliés.
Pourquoi les vins de Savoie sont connus partout, et pas ceux de l'Isère ? Parce qu'au XXe siècle, notre département s'est détourné de l'agriculture au profit du développement industriel – d'autant que la vigne était en proie au phylloxera, un insecte ravageur. « Mais en 1860, l'Isère c'est plus de 30 000 hectares de vigne. Il y en a partout, sur les contreforts de Grenoble, à La Buisse, Voiron, dans le Grésivaudan, le Royans », rappelle Antoine Dépierre, à la tête du domaine Mayoussier à Auberives-en-Royans, dans le Vercors. Sommelier de formation, ce vigneron est l'un des membres du Syndicat des vins de l'Isère, qui regroupe 25 viticulteurs. Aujourd'hui, notre département compte 60 hectares de vigne en IGP (contre 2000 en Savoie, pour mieux se rendre compte), exploités par des vignerons qui souhaitent cultiver le particularisme de leurs vins.
Notre envie, c'est de proposer des cépages que tout le monde n'a pas, des goûts différents
La première caractéristique de ces derniers, c'est leur variété ; les conditions sont très différentes entre la vallée du Grésivaudan, le Nord Isère et le Trièves, par exemple. « Les cépages autochtones de chez nous sont tombés en désuétude, pour plein de raisons. Or, ils sont porteurs d'une vraie typicité et d'une vraie originalité. On partage une envie de sortir du chardonnay, du pinot noir et des vins de la vallée du Rhône ; on n'a rien contre ces vins, mais on constate une certaine uniformisation. Notre envie, c'est de proposer des cépages que tout le monde n'a pas, des goûts différents. » Ainsi, au domaine de Mayoussier, après le viognier et la syrah, Antoine Dépierre a planté du persan, un cépage mauriennais. Même chose dans le Grésivaudan : le domaine des Rutissons et le domaine Finot y réhabilitent des cépages méconnus qui peuplaient autrefois la vallée, comme la verdesse en blanc et l'étraire de la Dhuy en rouge. Dans le Nord Isère, à Saint-Chef, Nicolas Gonin ne plante que des cépages dont il est certain qu'ils ont été historiquement cultivés dans le coin, à l'instar de la verdesse ou du mècle. Il continue ses recherches pour diversifier encore ses vignes. C'est là la vraie identité des vignerons isérois : remettre au goût du jour des cépages oubliés.
En 2011, l'énergie de jeunes vignerons isérois, la recherche de cépages singuliers et la modernisation des méthodes de vinification ont permis à la filière de faire renaître une IGP Isère (indication géographique protégée). Un label qui fixe un cahier des charges, mais qui est surtout là pour offrir une meilleure visibilité aux vins isérois. « Ça nous permet d'exister, d'organiser un concours... » Au sortir de la crise du Covid, le syndicat des vignerons de l'Isère, marri de la disparition du salon grenoblois Millésime qui mêlait vins et musiques, décide d'organiser son propre salon. Chaque vigneron peut inviter un "copain" qui n'est pas de l'Isère, mais partage la même vision du métier. « On est sur un salon assez pointu, dans le sens où nous sommes principalement des petits vignerons, pour des bouteilles qui vont de 9€ à 25€. Vous ne verrez pas de commerciaux en bras de chemise qui vendent des domaines de 70 hectares. Ça demande quand même une appétence pour le vin, une curiosité. » On est très curieux, nous.
Salon des vins de l'Isère et d'ailleurs samedi 5 et dimanche 6 novembre de 10h à 18h à la maison des arts de Montbonnot-Saint-Martin, entrée 5€