Pour sa 24e édition, Drôle d'endroit pour des rencontres met à nouveau en lumière le cinéma français avec un programme de grande qualité et un événement : la diffusion dans son intégralité et sur grand écran de la série "P'tit quinquin" signée Bruno Dumont.Christophe Chabert
Soyons honnêtes : cela faisait un bail que Drôle d'endroit pour des rencontres n'avait pas proposé d'édition aussi excitante. L'exploit est d'autant plus notable que l'année 2014 n'a pas été un grand cru pour le cinéma français, artistiquement parlant en tout cas. Est-ce à dire que l'embellie se profile ? Possible...
On reparlera dès la semaine prochaine du film d'ouverture, le splendide Spartacus et Cassandra, merveille de documentaire entre Terrence Malick et Ken Loach sur deux enfants roms tiraillés entre les impasses de leur famille naturelle — un père alcoolique et irresponsable, une mère qui sombre dans la folie — et la perspective d'un futur sous l'aile bienveillante d'une jeune acrobate, Camille Brisson — qui viendra présenter le film aux spectateurs.
Réussite aussi : le premier film de et avec Thomas Salvador, Vincent n'a pas d'écailles, ou comment inventer un super-héros français sans chercher la surenchère avec les écuries Marvel et DC Comics, mais en restant au plus près d'un quotidien crédible et néanmoins réenchanté.
À suivre : le deuxième film d'Alix Delaporte après Angèle et Tony, où elle reforme le couple Clothilde Hesme / Grégory Gadebois pour une fable sociale dans la lignée des Dardenne ; ça s'appelle Le Dernier Coup de marteau. Enfin, séance de rattrapage obligatoire pour Fidélio, l'odyssée d'Alice en présence de sa réalisatrice Lucie Borleteau mais, hélas ! pas de son actrice, la magnétique et magnifique Ariane Labed.
"Dors mon p'tit quinquin..."
Mais le très gros morceau de cette édition, c'est la soirée P'tit Quinquin, la série tournée pour Arte par Bruno Dumont et qui prend toute sa dimension sur grand écran — et pour cause, elle a été tournée en scope ! C'est aussi l'occasion de tempérer un enthousiasme critique légèrement délirant, même s'il s'agit sans conteste de l'œuvre la plus intéressante de Dumont depuis L'Humanité. S'il s'y aventure dans la comédie, celle-ci reste assez indéfinissable : de quoi rit-on exactement ? D'une intrigue policière brinquebalante dont le cinéaste se moque dès la conclusion du premier épisode ? Du tandem de flics à l'ouest et des tics de l'acteur Bernard Pruvost, qui n'aurait pas dépareillé dans un Mocky de la grande époque ? Des gens du ch'nord, équivalent des rednecks américains, incestueux, alcooliques, violents et dégénérés ?
Chez Dumont, le malaise n'est jamais loin, notamment ce gamin noir persécuté par les ch'tis qui finit par tirer sur les policiers en criant «Allah' Akhbar»... Toujours est-il qu'à part son épilogue expédié, la série possède un ton unique, une exigence visuelle splendide et quelques morceaux de bravoure inoubliables — l'apparition de Ch'tiderman ou le génial dialogue au restaurant à la fin du troisième épisode. Et à mi-parcours, le festival arrosera l'entracte de bière et de tarte au maroilles ; cap au nord, qu'on disait !
Drôle d'endroit pour des rencontres
Aux cinéma Les Alizés de Bron, du 28 janvier au 1er février