Ethnologie / Dans une scénographie sombre, millimétrée par la lumière et somptueuse, le Musée des Confluences présente une première partie du legs que lui fait un couple de collectionneurs. Approche sensitive d'un art peu montré : celui du Nigéria.
Preuve de sa formidable popularité, le Musée des Confluences (le premier fréquenté sur le territoire hors de Paris) va acquérir prochainement plusieurs centaines de coiffes réunies par Antoine de Galbert (exposition dès le 6 juin) et recevra à terme le legs intégral de la collection d'Yves et Ewa Develon. Pour l'instant, quarante objets ont été donnés qui, ajoutés à vingt prêts, offrent une plongée au cœur d'une terre artistique encore peu connue par les Français - ce fut une zone coloniale britannique : le Nigéria.
Ce psychologue embauché dans les années 60 dans un cabinet d'ingénieurs-conseils en Côte d'Ivoire se prend d'amour pour ces objets, qu'il glane sur place ou en Europe. Il partagera sa passion avec Ewa (rencontrée et épousée en 1979), architecte polonaise, beaucoup plus effacée que lui dans ce parcours où toutefois c'est par ses recherches documentaires qu'ils sont contextualisés, sans être jamais datés précisément - tous ont été fabriqués à la fin XIXe et début XXe.
Figuratif
Dans les années 70, au Nigéria, les pratiques religieuses traditionnelles déclinent, favorisant la dispersion des objets d'art et le développement d'un marché d'antiquaires. La traçabilité n'est pas encore un sujet - les chercheurs s'y emploient désormais, mais avec de grandes difficultés, de même que l'État français depuis le discours d'Emmanuel Macron à Ouagadougou le 28 novembre 2017, qui se préoccupe sérieusement de leur éventuelle, si complexe et épineuse restitution.
Ce qui est montré (et tracé) aujourd'hui au Musée des Confluences est une chance pour appréhender cette partie subsaharienne du monde. Ainsi, il est question de la qualité de travail de certains maîtres sculpteurs. La finesse d'exécution est remarquable, comme cette corne à boire ou un masque panneau. La paternité – si rarement incarnée - est dans une figure d'autel ou un masque de la population kaka, la maternité est magnifiquement restituée dans une sculpture allongée en bois aux proportions parfaites évoquant presque Giacometti.
Un masque bafo a émerveillé Yves Develon : « c'est mon Chaissac ! » s'est-il enthousiasmé en le voyant. Désir d'art mêle à la fois les esthétiques des objets, les coups de foudre de ce duo de collectionneurs à un certain didactisme bienvenu des équipes du musée (les différentes patines pour jauger de leur authenticité, des photos d'utilisation d'un masque qui a perdu son raphia et la rigoureuse analyse technique et interprétative d'une scène de groupe). Entouré d'Hugo Pratt, des fêtes himalayennes des derniers Kalash, des esprits du Japon (et des coléoptères !), cette exposition enrichit scientifiquement et artistiquement le voyage de ce musée d'une densité tout bonnement stupéfiante.
Désir d'art, la collection africaine Ewa et Yves Develon
Au Musée des Confluences jusqu'au 12 mai