Géologie / Au Musée des Confluences, des roches et des minéraux somptueux (ou non) racontent l'histoire depuis l'Homo sapiens. Et s'il est bien sûr question de géologie, l'exposition vaut aussi pour la façon dont l'humain s'est emparé de cette matière jusqu'à l'épuiser et compromettre l'équilibre de la Terre.
C'est une petite boule de bauxite orangée parfaitement lisse ou sa variante : une magnifique tranche coupée. Composée d'alvéoles bleu nuit, elle pourrait être un objet de déco de premier choix. Mais un pictogramme dans la vitrine où elle exposée parmi d'autres figure une canette. Car, en effet, ce minéral venu de Guinée est un minerai d'aluminium utilisé dans la carrosserie et les emballages comme les boites de conserve.
Son voisin le spodumène hiddénité, jaune translucide, est un lithium permettant de fabriquer des batteries rechargeables de haute performance pour les voitures électriques et les ordinateurs. Tout l'enjeu de cette nouvelle exposition est de faire ce lien, déjà à l'œuvre dans la salle "sociétés" du parcours permanent, entre objets du quotidien et ressources primaires.
S'inscrivant dans un espace relativement réduit (par rapport aux Sioux et à la magie), Secrets de la Terre ne montre pas la transformation de ces roches mais l'essentiel est là : un parcours thématique historique dans des vitrines verticales à hublots et d'autres, carrées, sur un plan horizontal incliné pour décrypter leurs compositions. Et un final qui, comme pour l'exposition sur les oiseaux rares, questionne la survie menacée de ce dont il question. Où faudra-t-il aller chercher les roches de demain ? Peut-être dans l'espace comme le matérialise un fragment de météorite ferreuse.
En attendant, les humains dévastent leurs sols (sous-marins compris) comme le prouve l'une des cinq vidéos en accès libre sur borne. Sur l'île océanienne Nauru, le pillage de phosphate a rendu ce bout de terre inhabitable et pauvre après qu'il se soit considérablement enrichi. Effarantes images.
Étain-celant
Exploiter les roches (composées de minéraux) n'est pas nouveau. Au plus loin que remonte l'exposition — le paléolithique il y a 250 000 ans — l'ocre était utilisée par les humains pour colorer les peaux, les os ou les parois des grottes avant que les premiers objets tranchants ne soient fabriqués avec le silex. Un commerce et déjà les premières mines que représentent le couloir d'entrée de cette scénographie, invitant à marcher sur des rails fictifs dans une cavité inventée.
Peu à peu des découvertes se font jour comme l'alliage du cuivre et de l'étain pour former le bronze qui va faciliter la production et la diffusion d'objets métalliques avant que ce ne soit le fer. La chronologie est ainsi remontée et la période moyen-âgeuse croise une entrée géologique consacrée à la couleur. Durant ce millénaire (500 – 1500) qui voit le sel devenir précieux pour la conservation et l'impôt (la gabelle), le cobalt teinte les vitraux (ici un exemplaire de Colmar du XIe) en bleu, le cuivre en rouge et vert.
Parallèlement il nous est rappelé (appris) que la couleur même d'un minéral dépend d'interactions physiques et chimiques entre la lumière et la matière. Ainsi cet améthyste doit son violet aux impuretés de fer mêlé à ce qui à l'origine est du quartz. Le bleu des azurites, dû au cuivre, aimante le regard. Ces pierres sont un trésor du musée qui abrite une des plus grandes collections françaises de minéraux, irrigant très largement cette exposition élaborée de façon vertueuse.
À 25 Km de Lyon, à Chessy, ces "mines bleues" ont été trouvées en 1812. Elles sont le joyau de cette exposition (et l'affiche) qui permet aussi d'aborder l'invention de l'imprimerie par Gutenberg grâce au plomb allié à l'étain et l'antimoine dont il fera ses caractères mobiles que le talc ou le diamant, du plus tendre (friable) des minéraux au plus résistant (ne pouvant être rayé que par lui-même).
Secrets de la Terre
Au Musée des Confluences jusqu'au samedi 22 octobre