Jazz / C'est une ambition avouée par Jazz à Vienne que d'avoir considérablement féminisé le line-up de son édition 2023. Une édition riche en grandes dames et en jeunes femmes qui promettent de le devenir. Mais qui ne dévoie pas pour autant ses propres traditions comme la présence de Marcus Miller.
Tout d'abord rassurons les anxieux qui n'aiment pas qu'on change leurs habitudes – c'est insécurisant : Marcus sera bien là. Marcus, c'est Marcus Miller, l'artiste le plus résident de Jazz à Vienne de ces dernières années. Cela posé, gageons que ce n'est pas là la caractéristique la plus notable de cette levée 2023. Outre que le festival a fini par retrouver sa forme d'antan (celle d'avant le monde d'après), Jazz à Vienne a surtout choisi de lui donner de nouveaux contours, en tout cas de nouveaux contours plus affirmés. Étant bien entendu que le jazz n'est pas vraiment la musique de la sororité affichée – ni même simplement constatée – le festival allobroge a fait une édition très féminine. Et nous permet de constater qu'au-delà des chiffres - 4 % seulement des instrumentistes sont des femmes –, s'il n'y avait que peu de femmes sur scène, ce n'était pas parce qu'il n'y en avait pas. Ces femmes, Jazz à Vienne n'est pas allé les faire fabriquer pour se concocter une édition entre meufs. Il suffisait juste de les programmer (avouez qu'il fallait y penser). Alors voilà. Résidences et créations sont ainsi attribués à des femmes (Clélya Abraham, Sintia Piccin, Chloé Cailleton, Marion Rampal accompagnée d'une armée de scolaire à faire trembler 300 spartiates, les 26 et 27 juin). En ouverture également, une femme, la grande Dee Dee Bridgewater (28 juin). Plus tard, les prodiges Liniker et Adi Oasis, la diva Kim Burrell (accompagnée d'amateurs), l'incontournable Melody Gardot (9 juillet), Selah Sue, qu'on ne présente plus (4 juillet), et une soirée réunissant deux immenses dames, la toujours jeune Norah Jones et l'immense Mavis Staples (11 juillet). Quelques révélations aussi avec Samara Joy et Lou Rivaille pu la rappeuse Sampa The Great (30 juin). Mais aussi la Française Domi et son drôle de duo avec JD Beck.
Où sont les hommes ?
Car oui, on se doit de le préciser pour réanimer les masculinistes tremblants de la vieille école, Jazz à Vienne 2023 comptera quand même quelques hommes. Et même, à vrai dire, beaucoup, en plus de l'homme ultime, Marcus Miller. Comme Dédé Manoukian par exemple qui nous gratifiera d'une exploration de ses racines arméniennes, comme le rappeur britannique Loyle Carner ou le duo Oxmo Puccino Yaron Herman (soirée hip-hop du 30 juin), comme le baryton Jacob Banks et la légende soul Lee Fields (1er juillet), comme Goran Bregovic et son Philharmonic Experience (le 6 juillet), comme le Group Compay Segundo et le pianiste Harold Lopez Nussa (7 juillet), ou comme le collectif teuton Meute (il faut réhabiliter le jazz allemand, autant que la bouillabaisse écossaise). Et comme les deux Joe, Bonamassa et Louis Walker, figures du blues et de la guitare qui le joue (10 juillet). Bref une édition au moins paritaire – dans l'intention, on n'a pas vraiment compté et il reste toutes les sections parallèles du festival, de Club en Cybèle – qui prouve que les programmateurs n'ont évidemment pas à craindre la présence d'artistes féminines. Ou à faire semblant de. Et comme il faut bien des festivals pour montrer la voie, saluons Jazz à Vienne et rendons-lui ce qui lui appartient. Du moment que Marcus Miller est toujours de la partie, le monde peut bien bouger à sa guise, non ?
Jazz à Vienne
À Vienne (Isère), du 28 juin au 13 juillet