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Augure
Par Christophe Chabert
Publié Mardi 28 novembre 2023 - 1355 lectures
Photo : Magie noire et surréalisme © Pan distribution
Film-trip / Étonnant premier film d’un rappeur belge d’origine congolaise, brumeux dans son scénario, limpide dans sa mise en scène scandée par des visions poétiques et psychédéliques fulgurantes.
Qui s’est laissé happer par le court-métrage musical de Baloji Zombies sait ce que ce rappeur devenu cinéaste a dans le ventre : une énergie visuelle folle qui se traduit par des visions entre magie noire — Baloji signifie « sorcier » en swahili — et surréalisme. Cela tient sans doute à sa double culture, belge et congolaise, qui fournit aussi l’argument de Augure : un Devine qui vient dîner inversé où le mari (noir) retourne au pays pour y présenter à sa famille sa femme (blanche et enceinte). Le choc est à la fois linguistique et folklorique, faisant remonter une tradition archaïque : à la naissance de son premier enfant, l’homme doit rembourser sa dot à ses parents, comme dans l’oublié et pourtant mémorable Alberto Express.
Carnaval furieux
Le choc est aussi cinématographique, quand Baloji saisit dans un chaos organisé le bruit et l’agitation des rues congolaises, filme une guerre des gangs façon Cité de Dieu ou utilise un même décor comme un élément d’étrangeté ou de familiarité. Surtout, il matérialise la cohorte des superstitions locales en un carnaval d’images indélébiles : une femme qui mêle le lait de son sein à l’eau d’un lac, des adolescents couverts de masques en ferraille récupérée, deux corps nus, peints puis enlacés, les larmes de femmes éplorées qui transforment en rivière le sol d’une maison ou encore deux enfants jumeaux, l’un noir et l’autre blanc…
La mise en scène du film est ainsi d’une parfaite clarté, pointant grâce à de judicieux changements de style ce qui relève de la raison et ce qui tient de la croyance, plus tout ce qui s’avère poreux de l’un envers l’autre. Cela rachète le désordre d’un scénario multipliant les pistes et les personnages, organisé en quatre volets dont le dernier, censé lier l’ensemble, souffre paradoxalement de son didactisme. Mais on tient ici la révélation d’un auteur audacieux, ayant digéré tous les genres pour offrir au spectateur un cinéma psychédélique, sensible et excitant.
Augure
De Baloji (Belg-P.B.-Congo-All-Afr. du Sud-Fr, 1h30) avec Marc Zinga, Lucie Debay, Eliane Umuhire…
Sortie le 29 novembre
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