Altman on the moon

Mercredi 19 décembre 2007

Pendant un week-end, l'Institut Lumière plonge dans l'œuvre de feu-Robert Altman, avec des films mythiques, rares et exceptionnels tirés de sa période la plus féconde, les années 70.Christophe Chabert

Photo : Brewster McCloud

L'an dernier, nous rendions hommage à Robert Altman quelques semaines après sa mort, au moment où sortait son dernier film, beau et crépusculaire, ironiquement titré (en France) The Last Show. On louait alors la plus belle partie de sa carrière, celle qui va de M.A.S.H. jusqu'à Un mariage ; dix ans en état de grâce où il participe, plus activement qu'on ne le croit, à la grande révolution du cinéma américain. C'est celle-là que l'Institut Lumière propose de faire découvrir avec l'aide de Michel Ciment, indéfectible défenseur du cinéaste, pendant le week-end. Avant tout, disons que si vous n'avez jamais vu Le Privé, John McCabe et Nashville, ce n'est même pas la peine de prévoir autre chose que de les découvrir sur grand écran. Pour ceux qui ont eu ce plaisir, l'Institut a préparé une deuxième ligne de films beaucoup plus rares mais pas moins passionnants, dont les fameux Brewster McCloud et Un mariage. Autrement dit, il y aura du très grand cinéma à l'affiche ce week-end.La chorale dissonnanteQuitte à se répéter, rappelons que l'apport principal d'Altman au cinéma est de deux ordres : le premier, esthétique, consiste à travailler l'écran, souvent large et très peuplé, comme une surface où la perspective n'est pas à chercher dans l'image, mais dans le son. Dans ce chef-d'œuvre total qu'est Nashville, le film choral n'existe que parce qu'il repose sur une cacophonie de musiques et de dialogues dans laquelle chaque personnage joue sa partition indépendamment de ceux qu'ils côtoient dans le cadre. Cette carte sans repère apparent dessine en fait un autre schéma : celui d'une Amérique inquiète, ce Sud qui pense encore ne pas être touché par la «gangrène» pessimiste alors qu'elle s'y enfonce inexorablement. Cet Altman politique, à l'ironie féroce, on le retrouve dans M.A.S.H. ou, plus tard, Short cuts ; mais il ne doit pas faire oublier l'autre Altman, l'iconoclaste qui repense tous les codes du cinéma de genre en les mettant à nu par un réalisme sec, afin de leur donner ensuite une nouvelle envergure. Elliott Gould, le Philip Marlowe mal rasé, fumeur et alcoolique du Privé, vit avec son chat comme n'importe quel loser célibataire mais retrouve en cours de film la violence impitoyable et la dimension iconique d'un Humphrey Bogart. L'Ouest sale et sans morale de John McCabe finit par conquérir une grandeur insensée lors d'un gunfight final sous la neige dont beaucoup, à commencer par le créateur de Deadwood David Milch, se souviendront. En fait, la place de Altman dans cette décennie flamboyante est évidente : à quelques centimètres derrière le triangle d'or Coppola-Scorsese-Cimino. Ni plus, ni moins !Week-end Robert AltmanÀ l'Institut LumièreVendredi 14, samedi 15 et dimanche 16 décembre