L'enfer sur terre

Lundi 17 novembre 2008

Exposition / Consacrée au génocide des Cambodgiens sous le régime des Khmers rouges, la nouvelle exposition présentée par le Musée de la Résistance mêle les marquantes photographies de l'artiste Dominique Mérignard à une salutaire mise en contexte historique. Damien Grimbert

Avril 1975. Les Khmers rouges, mouvement cambodgien de rébellion d'obédience communiste, investissent la capitale Phnom Penh. Leur objectif : mettre en place une restructuration radicale du Cambodge destinée à transformer le pays en coopérative agraire maoïste, dominée par les paysans. Pour ce faire, les Khmers rouges déportent l'intégralité de la population urbaine (enfants, vieillards, malades hospitalisés compris) dans les campagnes, et les soumettent au travail forcé 12 à 15h par jour. Toute désobéissance, réelle ou supposée, entraîne une exécution immédiate. L'avènement du régime de Pol Pot est proclamé "Année zéro", et le pays, intégralement coupé du reste du monde, entre dans une ère de famine et de terreur absolue. Entre avril 1975 et janvier 1979, date de la chute du régime, deux millions de morts, soit plus d'un quart de la population. Des 14 000 personnes emprisonnées, interrogées, et torturées dans la section spéciale S-21, principal camp de "rééducation" de la capitale, moins de 10 ressortiront vivantes.«À te garder, aucun profit, à te supprimer, aucune perte»Rendre compte de l'horreur indicible vécue par le peuple cambodgien pendant ces quatre années n'est pas chose aisée. C'est même impossible. Reste néanmoins la nécessité de témoigner. C'est cette nécessité qui va pousser Dominique Mérignard, conduit sur les lieux de S-21 (devenu Musée du crime génocidaire) peu après son arrivée au Cambodge, en décembre 1994, à photographier le camp, «en état de choc, comme pour m'assurer de sa réalité». Ces photographies, «des photos-constats» comme les décrit Bernard Plossu, Mérignard va les mêler à des portraits d'habitants de Phnom Penh, jeunes ou âgés. Parce que, comme l'explique l'auteur, «tout au long de mon séjour, chaque regard que je croise, chaque portrait que je réalise, me renvoie à la tragédie du peuple cambodgien». En contrepoint des photographies, une mise en contexte historique, réalisée par l'équipe du Musée apporte des compléments d'information indispensables. Sur les origines, complexes, de l'avènement du régime Khmer rouge, intimement liées à la guerre du Vietnam voisine et à l'implication des grandes puissances en vigueur (Chine, Etats-Unis), mais également à la trajectoire politique improbable du monarque Sihanouk, tour à tour ennemi juré puis soutien du mouvement Khmer rouge. Ainsi que sur la chute du régime suite à l'intervention vietnamienne, et enfin les difficultés actuelles rencontrée par la justice pénale internationale à en juger les hauts responsables.Témoin S-21, face au génocide des Cambodgiens
Jusqu'au 13 avril, au Musée de la Résistance