Exposition / Dix ans après sa première exposition au Vog, le peintre grenoblois Johann Rivat y revient pour nous dévoiler ses dernières réalisations. Une plongée dans un univers pictural singulier où les figures mythologiques côtoient les totems modernes que sont les panneaux publicitaires.
« Ce qui me préoccupe, c'est l'attention portée aux choses. Pour la plupart de mes peintures, je réalise le châssis, tend et prépare la toile moi-même. Et naturellement, je n'expose pas mes toiles avant de les avoir parfaitement vernies ! » Il y a chez Johann Rivat un attachement aux savoir-faire et une indéniable attention portée à l'objet pictural. Si les figures centrales de ses grands formats sont souvent dessinées avec précision et font immédiatement image, le paysage dans lequel elles se situent se révèle une surface vibrante où le travail de la matière s'épanouit pleinement : jeux chromatiques, coulures, réserves, glacis... de savoureux effets picturaux qui invitent à une observation attentive et surtout qu'aucune reproduction, aussi technologique soit-elle, ne pourra jamais restituer. Pas de distanciel possible ici donc.
Points incandescents
Intitulée Prométhée aux Enfers, l'exposition de Johann Rivat au Vog se déroule selon un parcours tendu entre deux points incandescents. En introduction, c'est une flamme dérobée aux dieux de l'Olympe qu'un Prométhée moderne (et féminisé) tient dans sa main ; en fin de parcours, c'est le rouge flamboyant d'un horizon apocalyptique qui envahit une toile gigantesque. De la flamme qui permit aux humains d'accéder au progrès technique jusqu'aux destructeurs incendies liés au réchauffement climatique (et donc aux excès du progrès), le visiteur navigue dans un univers où les mythes antiques et les crises contemporaines nourrissent une réflexion sur la place de la technique dans un monde toujours plus technologique. Johann Rivat fait ainsi s'incarner sur la toile des visions apocalyptico-mythiques teintées de surréalisme : une Athéna solaire défie un groupe de CRS, un robot ultra-technologique galope librement dans une forêt luxuriante, des humains anthropophages participent à d'inquiétantes bacchanales, et enfin, devenus fous, des animaux dévorent les résidus d'une société en ruine : la nôtre...
Religion consumériste
Une ruine vers laquelle l'humanité semble s'acheminer sereinement, victime d'une confiance inébranlable dans le progrès technique et un système économique ultra-consumériste. Précisément, plusieurs tableaux représentent d'immenses panneaux publicitaires qui affichent en lettres majuscules de péremptoires notions portées par les tendances du moment : "Care", "Résilience"... Un dispositif qui fait allusion aux injonctions publicitaires d'Invasion Los Angeles de John Carpenter et nous rappelle ici que, parfaitement vidés de leur sens à force d'être utilisés à toutes les sauces par les médias et les politiciens, ces mots "tendance" appartiennent désormais plus au monde de la communication qu'à celui du langage. Et lorsque, dans un zone péri-urbaine nimbée d'un crépuscule verdâtre, Johann Rivat dépeint un cheval hypnotisé par l'apparition de l'inscription "Save" sur un immense écran dont on ne sait s'il est cinématographique ou publicitaire, la fascinante confusion entre message spirituel et injonction publicitaire (Save pouvant être aussi bien traduit par "épargne" que "sauvegarde") est révélatrice de la proximité que la consommation peut entretenir avec la religion.
Prométhée aux Enfers, Johann Rivat, au Vog (Fontaine) jusqu'au 24 avril 2021.