Expo / Comme Montaigne et la Boétie en leur temps, les hellénistes Jean-Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet ont été lié par une amitié solide tout au long de leur vie. Le CHRD retrace leur parcours très ancré dans l'époque contemporaine.
Nadja Pobel
Sur le niveau du rez-de-chaussée, le Centre d'histoire de la résistance et de la déportation fait place à une simple série de panneaux moins anodine qu'il n'y paraît puisqu'elle résume la passionnante et bouillonnante vie intellectuelle du philosophe Jean-Pierre Vernant et de l'historien Pierre Vidal-Naquet. Bien qu'ils soient spécialistes de l'histoire grecque, ce qui intéresse le commissaire Régis Le Mer est leur engagement dans leur époque. Né en 1914, Vernant, un temps membre du parti communiste, s'engage dans la Résistance et devient chef départemental du mouvement Libération-Sud sur proposition de Lucie Aubrac dès 1941 puis prend le nom de Colonel Berthier dans les forces françaises intérieures de la région Sud-Ouest, en 1944. Cette même année, les parents de Vidal-Naquet (né seize ans après Vernant) sont déportés à Auschwitz. Le futur agrégé d'histoire en garde une obsession pour la véracité des faits historiques. Il combat vigoureusement le négationnisme notamment et prend position sur les «événements» d'Algérie. C'est d'ailleurs lors d'une conférence de presse du comité de soutien Audin au début de l'année 1958 que Vidal-Naquet et Vernant se rencontrent. Ils s'impliquent dans la défense de ce jeune mathématicien, militant pour l'indépendance algérienne, mystérieusement disparu. L'État français conclu à une évasion, Vidal-Naquet démontre qu'il a été torturé et assassiné.
Grand écartLes deux hommes ne sont pas que des témoins de leur présent, ils font aussi considérablement évoluer l'étude du monde grec en unifiant des disciplines classiques longtemps cantonnées à leur pré carré comme l'histoire, la philosophie mais aussi l'archéologie ou la philologie. Ils ne se contentent pas de l'étude des textes, ils prennent en compte les rites ou les images et diffusent le fruit de leurs recherches dans les plus hautes sphères de la connaissance (Collège de France, CNRS, EHESS...). Si ces passionnés d'histoire contemporaine choisissent d'étudier le monde ancien, c'est qu'ils craignent que leurs engagements ne «polluent» leurs travaux. Ensemble, ils signent une dizaine d'ouvrages, tous consacrés à cette époque qui vit naître la démocratie. Leurs vies se sont croisées tant et si bien au cours du XXe siècle qu'elles s'achèvent de manière presque romanesque, à six mois d'intervalle en juillet 2006 et janvier 2007. Nadja Pobel
Citoyens en résistanceAu CHRD jusqu'au dimanche 19 septembre.
