Rock / Troisième album pour les Marquises, A Night Full of Collapses, et troisième claque assénée par un groupe lyonnais dont les expérimentations musicales continuent de défricher des territoires infinis. Un conseil : allez tendre l'autre joue lors du French Kiss consacré au groupe par le Transbordeur.
C'est avec son projet le plus ambitieux que ce petit génie discret de Jean-Sébastien Nouveau (Immune, Colo Colo, Recorded Home...) a fini par recueillir une approbation critique considérable. C'était en 2010 avec Lost Lost Lost, le premier album de ce groupe singulier à pluralité et géométrie variable sur lequel nous avions alors misé notre Une. Depuis, Les Marquises n'ont jamais trahi cette belle promesse d'exigence esthétique.
Un troisième album, A Night full of collapses, le prouve, qui dans une matière musicale et cérébrale inépuisable, puise une inspiration infinie au service d'une forme de transe-piration qui décolle les étiquettes.
Comme à leur habitude, Nouveau et ses fidèles – Jonathan Grandcollot, Julien Nouveau, Martin Duru – se sont adjoints les services d'invités premium, prodigieux dans leur capacité à se fondre dans ce magma créatif : Matt Elliott (est-ce lui qui rend le morceau The Beguiled si fascinant ou l'inverse ?), Olivier Mellano, le bassiste Jeff Hallam, la violoniste Agathe Max, Christian Quermalet.
Tribus éphémères
Nouveau aime ces tribus éphémères qui font la richesse d'une expérimentation de la fulgurance et d'un tribalisme plus réfléchi ici que sur le précédent Pensée Magique. Et si chaque projet discographique des Marquises flirte avec l'inquiétante étrangeté (après Herzog, Lynch et son compositeur Badalamenti) convoquant une noirceur certaine et cryptique, ce disque laisse indéniablement davantage passer la lumière mélodique que ses prédécesseurs.
Cette musique indescriptible, il faut la vivre dans l'intimité de l'expérience discographique, en disséquer tous les éléments, s'en imprégner. Mais la scène lui donne comme une seconde peau (un casting encore mouvant : le noyau dur de musiciens reste, d'autres invités arrivent), une seconde vie – même partition, expérience autre.
Et prouve la capacité du compositeur à transposer les univers abstraits du studio en quelque chose de physiquement palpable. De passer de l'émotion pure à la sensation brute, comme le caméléon Nouveau passe de disque en disque, d'un univers à l'autre, les embrassant tous, avec une générosité sans œillères.
Les Marquises
Au Transbordeur le mercredi 15 février
A Night full of collapses (Ici d'ailleurs)