Drame / de Lee Chang-Dong (Cor. du S., 2h28) avec Yoo Ah-In, Steven Yeun, Jeon Jong-seo...
Jong-soo accepte de nourrir le chat d'Hae-mi, une amie d'enfance, pendant son voyage à l'étranger. Lorsqu'elle revient, elle est flanquée de l'étrange et fortuné Ben, dont elle semble éprise. Double problème : Jong-soo est épris d'elle et Ben révèle des penchants tordus...
« Qui entre pape au conclave, ressort évêque ». Sur la Croisette, la sentence vaut également pour les films adulés par la rumeur — découlant d'un phénomène d'autosuggestion massive lié à la promiscuité et à la surexcitation cannoises... ou à l'habileté des publicitaires. À l'issue de la proclamation du palmarès, leur palme putative envolée, des œuvres entament leur vie en salle auréolées d'une vapeur d'échec ou d'une réputation de victime biaisant leur découverte.
Burning aura donc été invisible aux yeux du jury. Singulière mise en abyme pour ce film où la suggestion de présence, l'absence et la disparition physique ont une importance considérable. Ainsi Jong-soo — écrivain en devenir à la production virtuelle, vivant dans une ferme fantôme à portée d'oreilles de la Corée du Nord — tombe-t-il amoureux de Hae-mi — laquelle étudie le mime et prétend posséder un félin qu'on ne voit jamais — quand la belle est hors d'atteinte. Ainsi Ben prétend-il — mais le fait-il réellement ? — user du feu pour satisfaire ses pulsions de destruction. Ainsi Hae-mi se volatilise-t-elle mystérieusement — mais a-t-elle seulement existé ailleurs que dans l'imaginaire de Jong-soo ?
Le feu couve en permanence dans cette histoire : il brûle les veines, embrase les sentiments comme les cieux du crépuscule, ravage les intérieurs. Autant que les doutes, les silences et les non-dits consumant Jong-soo. Si Burning tient de l'élégie amoureuse, il porte en son cœur une étourdissante séquence de séduction solaire rythmée par la BO d'Ascenseur pour l'échafaud et Miles Davis. Et Jong-seo Jeon. C'est elle le feu et l'apparition brûlante de ce film.