Spectacle vivant : nos 10 coups de coeur pour 2024

Spectacle vivant : nos 10 coups de coeur pour 2024

Rentrée culturelle / Nous avons consciencieusement épluché les programmations des théâtres de la métropole lyonnaise pour cette deuxième partie de saison 2023/2024. Voici dix propositions.

Ex Machina

Directrice de l'un des plus petits centres dramatiques nationaux de France (celui de Montluçon), la comédienne, metteuse en scène et autrice Carole Thibaut questionne sans relâche les mécanismes de pouvoir liés au genre dans son domaine : le spectacle vivant. Prises de parole après interpellations (elle a notamment été membre fondatrice de HF Île-de-France), elle donne de sa personne, jusqu'à se mettre en scène sur le plateau dans un nouveau solo qualifié de « spectacle-performance ».  Habilement construit entre moments théâtraux et d'autres proches du stand-up (ou de la conférence), Ex Machina mêle parcours intime, constats révoltés sur l'inégalité de notre société et retournements des codes. Une leçon de féminisme autant qu'un acte artistique, certes en dents de scie, mais fort à l'arrivée.

Au TNP (Villeurbanne) du mardi 30 janvier au samedi 3 février


Les Poupées persanes

Deux Molières (dont celui de l'autrice francophone pour Aïda Asgharzadeh) reçus au printemps dernier par cette pièce qui connaît un joli succès depuis sa création et ses passages remarqués dans le Off du Festival d'Avignon. Un spectacle dans la veine de ceux d'Alexis Michalik (rythmés, prenants, astucieusement construits ou encore émouvants) qui suit notamment « quatre universitaires dans l'Iran des années 1970, de la chute du Shah à l'arrivée au pouvoir du régime islamique » – mais aussi d'autres personnages en France juste avant le passage de l'an 2000. Malgré quelques facilités dans l'écriture et le jeu, l'ensemble est diablement efficace et en plein dans l'actu (les contestations en Iran depuis plus d'un an) sans l'avoir voulu.

Au Radiant (Caluire-et-Cuire) mercredi 31 janvier
Au Toboggan (Décines) jeudi 1er février
À l'Espace Albert-Camus (Bron) mercredi 20 mars
À l'Aqueduc (Dardilly) samedi 23 mars


Némésis

Nous en parlions déjà dans notre numéro de rentrée de septembre : la dernière proposition de la metteuse en scène Tiphaine Raffier (vue comme comédienne dans les aventures de Julien Gosselin), d'après un roman de l'immense auteur états-unien Philip Roth (c'est d'ailleurs la première fois qu'elle s'empare du texte d'un autre), est une réussite. L'histoire d'un jeune prof de gymnastique qui, dans les États-Unis de 1944, culpabilise de ne pas être au front de l'autre côté de l'Atlantique – il a été réformé du fait de sa vue défaillante. C'est alors que la polio s'abat sur la ville, et notamment les plus jeunes... De ce matériau riche qui ouvre de nombreuses portes, Tiphaine Raffier fait un spectacle ample (que d'images) et surprenant (la partie comédie musicale) sur, en creux, ce qui échappe à l'être humain malgré ses vaines tentatives pour tout comprendre.

Au TNP (Villeurbanne) du samedi 3 au vendredi 9 février


West Side Story

Efficace : voilà l'adjectif qui apparaît comme une évidence face cette nouvelle version scénique du classique de Broadway qu'est West Side Story. Une histoire de Roméo et Juliette modernes en plein dans le New York des années 1950 autant chantée (que de tubes – America, Somewhere, Tonight...) que dansée et jouée par une troupe incroyable de technicité. Ou comment un chef-d'œuvre de 1957 signé Leonard Bernstein (musique), Stephen Sondheim (paroles), Arthur Laurents (livret) et Jerome Robbins (mise en scène et chorégraphies), passé deux fois par la case cinéma (dont Spielberg en 2021), reprend vie sur un plateau (grâce au metteur en scène new-yorkais Lonny Price) avec tellement de force et aucune ride que cela force le respect. Succès garanti – les plus de deux mois de représentations parisiennes ont très vite affiché complet.

À l'Amphithéâtre 3000 du mercredi 21 au dimanche 25 février


Quand je serai grande je serai Patrick Swayze

« C'est pas un crime de porter une pastèque. » Déclaration d'amour à un film culte (jusqu'aux dialogues) autant qu'autobiographie déguisée, le premier seule-en-scène de Chloé Oliveres s'inscrit dans cette tendance qu'ont pas mal d'artistes d'entremêler les fils de leur propre histoire à des enjeux plus larges (ici la pop culture, avec le film Dirty Dancing et son acteur principal Patrick Swayze) afin de faire rire et, si possible, réfléchir. Chloé Oliveres, comédienne qui a cofondé le collectif théâtral (et féministe) Les Filles de Simone, s'en sort avec talent (« à la manière d'une Annie Ernaux qui aurait mangé Florence Foresti » s'enflamme la note d'intention) grâce au recul dont elle fait preuve – elle balaye une quarantaine d'années de vie.

Au centre culturel Charlie-Chaplin (Vaulx-en-Velin) vendredi 8 mars


2 sœurs

Le conteur moderne Marien Tillet se lance dans une histoire qui partira jusqu'au sud-ouest de l'Irlande, il y a de nombreuses années, à la découverte de deux sœurs persécutées par leurs voisins. Pour y arriver, il réalise de nombreuses digressions (jusqu'à un drôle de speed-dating !) avec un talent certain. Car Marien Tillet (ou plutôt Marc, son personnage d'ethnologue spécialiste des hystéries collectives) a l'art de capter l'attention du public pour ne plus la lâcher. Et pour montrer que « le spectateur est une sorcière comme les autres », et la foule une véritable machine à broyer. Glaçant.

Au Théâtre de Vénissieux vendredi 15 mars


Le Firmament

C'est l'un des plus grands spectacles de la saison passée, lauréat notamment du grand prix du Syndicat de la critique. On le doit à la metteuse en scène Chloé Dabert et à l'autrice britannique qui monte, Lucy Kirkwood. Soit une histoire féministe qui plonge dans le passé (le XVIIIe siècle anglais, où une femme du peuple est accusée du meurtre d'une fillette) pour mieux ausculter le présent. Une sorte de Douze hommes en colère au féminin, magnifiquement sororale et théâtralement captivante sans être démonstrative. Bref, une immense réussite.

Aux Célestins du mercredi 20 au vendredi 22 mars


Les Possédés d'Illfurth

Il était une fois un jeune homme prénommé Hélios qui raconte sa passion pour le théâtre autant qu'il plonge dans son passé douloureux. Seul sur scène, le comédien Lionel Lingelser campe, grâce aux mots de l'auteur Yann Verburgh, son double autofictionnel dans un spectacle à la fois intense (quelle performance d'acteur), drôle et bouleversant prenant pour point de départ une légende alsacienne de la seconde moitié du XIXe siècle sur deux enfants possédés. Un uppercut théâtral à voir aux Célestins cette saison, comme deux autres propositions du Munstrum Théâtre, compagnie cofondée  par Louis Arene et Lionel Lingelser : l'explosive 40° sous zéro sur deux textes de Copi (en février) et leur vision du Mariage forcé de Molière (en avril), toutes deux visuellement davantage Munstrum (dans l'excès, le trop-plein...) que ces très épurés Possédés.

Aux Célestins du mercredi 20 au samedi 30 mars


20 000 lieues sous les mers

Voilà un spectacle tout public grandiose : l'adaptation sur scène du fameux roman de Jules Verne par le duo on ne peut plus inventif Christian Hecq et Valérie Lesort. Avec eux, l'histoire du capitaine Nemo est visuellement bluffante (avec toute la magie artisanale du théâtre convoquée pour matérialiser le sous-marin et la mer environnante) et absolument captivante, le récit étant parfaitement délivré. L'un des plus grands spectacles de ces dernières années, tout simplement !

Aux Célestins du jeudi 2 au dimanche 12 mai


Mes parents

Parfois, un spectacle de fin d'étude dans une école de théâtre se transforme en aventure sur le long terme, tant la réussite lui donne toute sa légitimité artistique. Imaginé avec la promotion 10 de l'école du Théâtre national de Bretagne, Mes parents est une sorte de théâtre documentaire qui explose rapidement son cadre. En amont de la création, le metteur en scène Mohamed El Khatib a laissé les apprentis comédiens s'exprimer sur leurs parents, avant de transformer toutes ces paroles et confidences en matière théâtrale astucieusement délivrée sur scène. Des propos qui vont de l'histoire anodine aux enjeux presque sociétaux – notamment le regard que certains parents portent sur leur enfant arrivé a priori si haut. Et quelle scène de fin intense !

Au Théâtre de la Croix-Rousse du mardi 14 au jeudi 16 mai

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