Lubitsch à l'Institut Lumière, l'occasion de replonger dans un cinéma de comédies intelligentes et nuancées. La preuve par le talent que le divertissement n'est pas fuite de l'essentiel.

Il est des cinéastes pour qui l'objet est une donnée fondamentale de leur manière. Qu'il s'agisse de Bresson insistant par gros plans sur un billet de banque - premier maillon du tragique dans L'Argent - ou qu'il s'agisse d'Hitchcock attentif aux lignes d'une fourchette sur une nappe blanche dans La Maison du docteur Edwardes, l'objet peut se faire tour à tour acteur ou révélateur.


A ce titre, le film Haute Pègre de Lubitsch semble s'imposer comme un sommet dela recherche formelle à propos d'un arrière plan à qui il rend toute sa densité. Gaston Monescu escroc de haut vol, s'installe avec sa compagne - pour un temps promus l'un et l'autre assistant et secrétaire - chez Mme Collet, héritière richissime des parfums du même nom. Dès lors, la villa qui les abrite devient le théâtre de relations faites de liens naissants et de faux-semblants. Horloges, portes, escaliers, dessus de lit... ils sont autant d'éléments, témoins silencieux mais signifiants sur qui vont s'inscrire les avancées de l'intrigue.


Les séquences s'architecturent autour d'une géographie de pièces en face à face d'où l'on guette des bruits attendus, des sorties, des verrous qui s'entrouvrent. Une vie des choses, discrète et immobile, attentive néanmoins et porteuse des élans contrariés des personnages. Les heures s'égrènent ainsi le temps d'une scène virtuose, et l'image se pose pour une soirée sur des cadrans témoins des rires de connivences autant badins qu'illégitimes : ou comment faire de l'épure une leçon de finesse.


Lubitsch suggère, il «suggère au lieu de montrer, laisse l'imagination et l'intelligence du spectateur tirer la conclusion qui s'impose» selon l'analyse d'Eithne et Jean-Loup Bourge dans leur ouvrage Lubitsch ou la satire romanesque. Un art de la suggestion qui dévoile bien plus qu'il n'occulte, avec profondeur et malice. Une malice soulignée par Truffaut comme un charme dans Les Cahiers du cinéma de février 1968. Le charme d'un observateur qui regarde passer le temps, les sentiments et les éclats puis reste seul dans le couloir après que les portes se sont closes, au son du tic tac d'une horloge, un demi sourire aux lèvres.

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