L'intime est vaste

Latifa Echakhch / Dans l’espace de la Rue se dessine au sol un entrelacement de chemins. Au fond, s’élève un mur bleu. Un paysage profond, léger, suspendu, paisible, ouvert, peu encombré et peu intimidant s’ouvre. Les murs sont blancs et vides. Des îlots d‘objets, des apartés, discrets, poétiques et pourtant évocateurs, s’échouent au bout de chemins. Avec Il m’a fallu tant de chemins pour parvenir jusqu’à toi de Latifa Echackhch, née au Maroc en 74 et vivant en France, on pénètre dans une autobiographie plastique secrète. À travers son chemin, une histoire personnelle, elle pose subtilement, mais intensément, la question post-coloniale. Une pierre fendue, placée en amont des chemins, dans laquelle il manquerait l’épée Excalibur, est un symbole fort de la geste occidentale, c’est-à-dire le départ vers la quête, donc l’esprit de conquête. Des morceaux de sucre disposés en tas, renvoient à l’individualisation occidentale (une boisson = un sucre), alors qu’au Maroc, le sucre est fondu dans la théière commune. Le sucre, c’est aussi l’histoire de l’esclavage : une denrée de luxe que les africains rapportaient aux blancs au péril de leur vie. L’artiste décrit également des contextes socioculturels : au bout d’un chemin, des rouleaux d’imprimerie sont recouverts de linoléum et, plus loin, des seuils de portes placés en carré (une cellule ?), évoquent les vies en HLM. Le mur éclatant de bleu est réalisé avec des feuilles de carbone utilisées pour les nombreux tracts dans les années 70. Cette artiste précise mêle aussi des éléments de culture orientale et occidentale : les chemins sont dessinés à partir «d’une simple étoile ornement classique des portes des mosquées», et sont aussi réalisés en goudron. Elle met ainsi en débat, sans éclat de voix, les problématiques de notre monde. Et, en attirant l’attention sur l’invisible, la fragilité, les failles, comme ces gouttes colorées pour l’occasion, elle confère à ce vaste espace, une étonnante intimité. SD

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