«La musique “crédible“, c'est ce qu'il y a de pire»

Adulés par les uns pour leur permanente volonté de sortir des créneaux établis, haïs par les autres pour leur branchitude, et leur mépris affiché de la musique « mature » et du bon goût, les rappeurs de TTC ne laissent personne indifférent. Rencontre avec DJ Orgasmic, toujours à la pointe de l’actualité musicale dansante, qu’elle sorte du Top 50 ou du fin fond des ghettos américains, brésiliens, ou angolais… Propos recueillis par Damien Grimbert

Nouveaux styles, nouveaux DJs, barrières entre les genres brisées, fin du clivage underground / mainstream. Qu’est-ce qui se passe depuis quelques années ?Je ne sais pas vraiment si c'est nouveau, je crois que l'on revient juste a quelque chose de plus brut. Les premiers DJs de rap ont toujours eu de la funk, du rock, de la pop dans leurs bacs, et les DJs techno du rap ou de la pop. Les musiques électroniques, tous styles confondus, c'est comme de la cuisine, on ne fait que réutiliser les mêmes ingrédients et les mêmes techniques de cuisson, il faut donc essayer de les combiner différemment pour arriver à produire quelque chose de personnel. Les gens ont envie de faire la fête, donc tous les courants, mainstream ou non, s'orientent vers quelque chose de dancefloor, c'est vrai pour le rap, mais depuis DFA et consorts, c'est pareil pour le rock. Et je ne crois franchement pas que ce soit un mal, la musique « crédible », c'est ce qu'il y a de pire.Comment s’est fait ta découverte des différents styles de la bass music ?Celle que je connais le plus, et que j'ai connue en premier, c'est la ghetto-tech de Detroit, et ça m'attriste parce qu'elle est un peu sur le déclin en ce moment. J’apprécie tous les nouveaux genres de bass music émergents, baltimore breaks, funk carioca, kuduro, etc., mais mon coeur reste à Detroit et Chicago.Quels sont les DJs qui t’enthousiasment le plus actuellement ?Désolé, ce n'est pas de la mauvaise foi, mais les seuls DJs qui m'enthousiasment sont aussi mes amis. En France, DJ AÏ, Feadz, et les Diamond Grillz (Goon et Koyote), et à l'étranger, Hollertronix (Diplo & Low Budget). Ce sont les seuls qui me font découvrir des choses, et qui peuvent me surprendre dans leurs mixes.En termes d’artistes, en France, à l’exception de quelques groupes comme La Caution, on a l’impression que l’électro se porte nettement mieux que le hip-hop…C'est vrai, mais il faut voir qui fait le hip-hop en France ! Essaye de parler musique avec les rappeurs, les producteurs, les programmateurs radio, les gens des maisons de disque, c'est dur, en tout cas pour moi… Ici, la rencontre rap / autre chose c'est Passi-Calogero… Et quand j'entends les commentaires des VMA (Video Music Awards, NDLR) par Akhenaton et Disiz, ça fait peur. On en est encore au stade ou le rap n'a le droit de citer dans les médias que quand il est misérabiliste et qu'il tombe dans des lieux communs faciles à récupérer. On n’est pas près d'avoir un Pharell en France ! Heureusement qu'il y a Booba et quelques autres, mais tu les comptes vraiment sur les doigts d’une seule main.TTC, et par extension Institubes, provoquent des réactions très contrastées, limite amour / haine ! Pour quelle raison ?Parce qu'il y a des gens qui passent trop de temps à critiquer au lieu de bosser et de se creuser la tête. Quand on ne fait pas grand-chose soi-même, critiquer c'est l'un des seuls moyens de se mettre en valeur. Et plus on sera populaire plus des gens nous cracheront dessus c'est logique.Quel est le rôle des visuels, des sapes, des bijoux, des danses dans la musique de TTC ?Ils ne vont pas l'un sans l'autre, c'est ça qui fait que c'est intéressant. Depuis que j'ai 6 ans, je lis les pochettes de disque, j'analyse les clips, je lis la presse musicale… On est la génération MTV, un artiste, c'est un tout, pas juste sa musique. Moi, le clip de Thriller diffusé dans l’émission Champs-Élysées de Michel Drucker, après dix heures parce que ça faisait peur, c'était tellement excitant que ça a changé ma vie, et c'est sans doute pour ça que je fais ce métier-là maintenant, donc c'est comme cela que je l'envisage.Le 26 décembre sort 36 15 TTC, votre nouvel album. Qu’est-ce qui a changé depuis Bâtards Sensibles ?Para one et Tacteel rappent dessus, ce qui en justifie l'achat ! Non, il est encore différent de Bâtards Sensibles, plus accessible, toujours du sexe et de la violence au programme, mais aussi de l'amour, de la nostalgie, comme un bon film en somme. Quant à mon rôle, il a un peu évolué dans le sens où je produis deux titres cette fois-ci, donc je suis plus impliqué.Tu viens de sortir, aux côtés de Jean Nipon / DJ Aï, Eurogirls, une sélection de morceaux baile funk…La baile funk, ou funk carioca, est une musique que l'on pourrait qualifier de booty des favelas, ce sont des rappeurs ou rappeuses qui chantent sur le rythme de base de la Miami bass (cf. 2 Live Crew), agrémenté de percussions brésiliennes et de samples de n'importe quoi retravaillés, ça va de classiques d'eurodance à Madonna, en passant par les classiques d'accordéon brésiliens. C'est vraiment une musique faite pour danser et s'amuser. Eurogirls est une sélection de titres soit classiques, soit rares de ce genre, réédités puis remasterisés, pressée sur double vinyl rouge, et limitée à 500 exemplaires numérotés.Pourquoi ne pas créditer les différents auteurs des morceaux de cette sélection ?C'est un parti pris : nous n'avions pas les titres et interprètes de tous les morceaux, donc nous nous sommes dit autant y aller carrément, de toute façon nous ne l'avons pas fait pour se faire de l'argent (difficile, vu le prix de revient d'un disque et la faible quantité pressée), ni pour se présenter comme les représentants de ce mouvement en France. C'est juste pour que les gens qui aiment jouer du vinyl puissent en jouer, car c'est quasi introuvable sur ce support.Une nouvelle mixtape de ta confection est à l’ordre du jour ?Oui elle sort sur Institubes la première semaine de décembre, c'est un concentré de ce que j'ai aimé ces six derniers mois, plus des productions à moi comme on peut en retrouver sur les mixtapes de Cuizinier, des remixs, des blends et pas mal de morceaux exclusifs pas encore sortis, le tout mixé de la façon la plus futuriste possible. 50% rap, 50% d'autres musiques et un artwork d'Akroe incroyable.Un sujet qu’on n’a pas abordé et dont tu aurais aimé parler ?L'importance dans ma vie du café du matin.

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