Les tueurs de la lune de miel

Formidable one shot de son mystérieux réalisateur (Leonard Kastle), Les tueurs de la lune de miel transcende l’horreur de son sujet pour mieux en explorer les mécanismes psychologiques. FC

L’excellent DVD collector du film, sorti chez Criterion il y a trois ans, nous en disait beaucoup sur la genèse du projet, via une interview de son metteur en scène. Originellement compositeur d’opéra, Kastle s’est pris d’une passion quelque peu malsaine pour un couple homicide surnommé “The Lonely Hearts Killers”. Martha Beck, infirmière obèse, rencontre le jeune playboy et néanmoins filou Ray Fernandez par petite annonce. Ray comptait la séduire et partir avec son argent au petit matin, seulement voilà : Martha est sans le sou, et il en tombe éperdument amoureux. Ils décident de faire tomber dans leurs filets des célibataires éplorées, “forcément“ réceptives au charme de Ray, tandis que Martha veille au grain en se faisant passer pour sa sœur. Au risque de faire exploser sa jalousie maladive, et d’en venir au meurtre… Leonard Kastle s’inspire des minutes du procès pour construire précisément sa trame. Il propose le scénario au producteur télé Warren Steibel, qui le soumet à un jeune cinéaste prometteur nommé Martin Scorsese, tout juste sorti de son premier long, Who’s that knocking at my door. Las, le projet tourne court lorsque Steibel percute que Scorsese n’en fait qu’à sa tête et s’apprête à livrer une œuvre trop expérimentale à son goût. Dans la panique, il intronise Kastle réalisateur, alors que ce dernier n’a jamais touché de caméra…Liaison fataleCe qui explique en partie la rupture totale de ces Tueurs de la lune de miel dans le paysage cinématographique d’alors. Dans un noir et blanc somptueux, magnifié par les symphonies de Gustav Mahler, Kastle filme sa monstrueuse héroïne sans jugement, et décortique son basculement inexorable dans la passion. Contrairement au cinéaste mexicain Arturo Ripstein, qui dans son Carmin Profond (basé sur la même histoire) donnait à son personnage l’excuse d’un passé difficile (avec efficacité, reconnaissons-le), Kastle offre de son côté une vision froide, clinique, à peine relevée de quelques touches d’ironie dispensées par le génial Tony Lo Bianco. Suivant les seuls faits énoncés lors des minutes du procès, le réalisateur livre une narration parcourue d’une effroyable logique. L’horreur occasionnée par chaque nouvelle victime trouve un écho troublant dans la fusion irrépressible des deux amants, enrôlés presque malgré eux dans une spirale meurtrière. Ce contrepoint donne au film toute sa force, et fait que près de 40 ans après sa réalisation, sa force d’évocation demeure intacte. Récemment, Hollywood s’est réapproprié le mythe en confiant à Salma Hayek (!) et Jared Leto le soin de camper le couple fatal (dans Lonely Hearts de Todd Robinson). Au lieu d’attendre une potentielle sortie en salle française de cette série B sympa mais sans plus, foncez donc à la Cinémathèque pour vous régaler de ce classique inégalable.Les tueurs de la lune de mielDe Leonard Kastle (1970, EU, 1h55) avec Shirley Stoler, Tony Lo Bianco…

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