Bons baisers de Baltimore

Collectif américain survolté, amateur de beats électro hip-hop festifs et débridés, Spank Rock vient de sortir son premier album, “Yoyoyoyoyo”, sur Big Dada. Qui synthétise avec talent les différentes tendances d’une bass music en pleine ébullition depuis quelques années. Damien Grimbert

On avait déjà évoqué le phénomène en filigrane. Depuis quelques temps, différents coins du globe vibrent aux sonorités dancefloor d’une nouvelle gamme de musique, novatrice, populaire, salace et décomplexée. Jusqu’à présent relativement marginale, cette tendance commence à s’apparenter à vitesse grand V à une véritable lame de fond, du moins à en croire l’accueil dithyrambique que la presse a accordé des deux côtés de l’Atlantique au premier opus de son dernier poulain, Spank Rock. Mais revenons au commencement. Tout débute dans les années 80, avec la Miami bass de 2 Live Crew et consorts. Un style de hip-hop ultra speed et aux basses démesurées, flirtant ouvertement avec l’électronique à la seule fin de satisfaire un objectif des plus primaires : faire bouger le cul des filles (et accessoirement des garçons). En dépit d’une existence des plus éphémères, ce courant va, malgré ou plutôt grâce à la simplicité apparente de ses beats dépouillés, gagner une influence considérable au cours des décennies suivantes, et accoucher d’une poignée d’enfants illégitimes, circonscrits géographiquement à des zones ultra-localisées, souvent définies par une misère noire et un taux de criminalité démesuré. Baile funk à Rio, crunk dans le Sud des Etats-Unis, ghetto-tech à Detroit, et… Baltimore club music à Baltimore, ville d’origine du crew Spank Rock.ÉmergenceÀ partir de 2003, cependant, ces différents styles vont progressivement obtenir droit de cité à plus large échelle, grâce à l’acharnement d’une poignée de DJs passionnés de black music et d’électro, rapidement soutenus par une armada de nerds, lassés des expérimentations d’une scène estampillée « underground » trop sérieuse et austère à leurs goûts. C’est parmi ces derniers que se classe sans complexe Naeem Juwan, MC et plus ou moins leader du collectif. Quittant Baltimore à l’âge de 18 ans pour s’installer à Philadelphie, il découvre sur place l’effervescence dancefloor des soirées Hollertronix, animées par Diplo et son comparse Low Budget. Ces derniers y laissent libre cours à leurs pulsions musicales les plus débridées, en mélangeant des styles hétéroclites sans souci des convenances, influençant durablement le jeune Naeem, qui décide de se lancer à son tour avec quelques potes de sa ville natale. Accompagné du producteur Alex Epton et des DJs Chris Devlin et Ronnie Darko, (alias Armani XXXchange, Rockswell et The Blastmaster une fois sur scène), il commence à triturer quelques sons bas de gamme et à animer ses premières soirées. Spank Rock était né.RecyclageRapidement, le quatuor fait monter la hype avec une première mixtape, sobrement intitulée Voilà. Mêlant dans un bordel savamment élaboré samples de série B, premières compos du combo, et tubes électro, hip-hop, et rock imparables (Cajmere, Missy Elliott, Can, The Zombies, The Kinks, Jimi Hendrix, les Beach Boys…), cette petite bombe aussi jouissive que novatrice fait également la part belle à la Baltimore club music, dévoilant au grand jour les attraits de ce style d’une simplicité imparable. Prenez n’importe quel tube planétaire de ces trente dernières années, tous styles confondus, rajoutez une ligne de basse rebondissante, quelques “claps” addictifs, découpez le refrain en petits morceaux, que vous réinjectez à intervalles réguliers (style toutes les 5 secondes…), et vous obtenez un pur hit Baltimore, capable d’enflammer n’importe quel dancefloor. Une recette que Spank Rock va également employer (à petite dose) pour sa première démo, confiée au label Big Dada par un Diplo trop content de donner une chance à des artistes dont il se sent proche. Convaincu dès la première écoute, Will Ashon, boss du label anglais, signe sans hésiter le quatuor, qui accouche en quelques mois des compositions restantes nécessaires à la finalisation de leur premier album, Yoyoyoyoyo.Projet K.O.Sorti à la mi-avril, ce dernier confirme rapidement le talent du collectif, au travers de 12 plages qui composent autant de tubes irrésistibles. Basses vrombissantes, sons crades composés à la Casio, samples d’instruments basse fidélité, rythmiques sous amphétamines et flow au diapason, la formule est simple mais sur-efficace, et surtout complètement inédite. On n’ira pas chercher le moindre intérêt dans les paroles, aux connotations ouvertement sexuelles (le thème du premier morceau est ainsi un hymne aux tremblements de fesses d’une danseuse de strip), le but étant avant tout de surfer à toute allure sur ce raz-de-marée sonore, explosant d’une multitude de sons inattendus. Ce à quoi s’escriment tout le long de l’album Naeem Juwan et ses quelques invitées féminines (Amanda Blank, Typical Girls), qui n’ont, soit dit en passant, rien à envier au MC en termes de crudité verbale. L’énergie du funk et du rock, omniprésents sur ce tapis de beats électro hip-hop dévergondés, donne à l’ensemble une richesse musicale qui fait plaisir à entendre, en attendant la sortie imminente de leur nouvelle mixtape, Couche-Tard. De toute évidence, la bass music a encore de beaux jours devant elle…Spank RockAlbum : “Yoyoyoyoyo” (Big Dada)Mixtapes : “Voilà”(Money Studies), “Couche-tard” (Turntable Lab)“BBC Breezeblock”(en libre téléchargement sur www.spankrock.net)

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