Castafiore chante juste

Danse / La compagnie Système Castafiore n'a aucun équivalent dans le paysage de l'art vivant français. Mêlant danse, images sophistiquées, installation sonore, leur représentation scénique du réel est à l'image de la folie de notre monde. Séverine Delrieu

Si on les rapprochait d'un travail déjà connu, ce serait avec à celui de l'inclassable et génial Roméo Castellucci et sa soceta Raffaello Sanzio en Italie. Un théâtre d'images totalement innovant, où la parole émerge par onomatopées, où le geste se perd dans un écrin lumineux très soigné et une scénographie succombant aux repères du déjà vu. À ceci près que la démarche de Système Castafiore riche en savoir-faires multiples, est mise au service d'une imagerie ludique moins désespérée que celle d'un Castellucci. Cela tient certainement à la joie communicative des maîtres d'œuvres : la chorégraphe Marcia Barcellos, le metteur en scène compositeur Karl Biscuit, dirigeant conjointement ce collectif d'artistes très créatifs. Depuis les années 90, ils s'attachent à mettre en scène le réel avec lyrisme et humour. Leur dernier assemblage de pièces, le bien nommé tout simplement Programme, est conçu en trois parties et à partir des travaux de l'énigmatique dramaturge hongrois Emil Prokop. A-t-il vraiment existé ou bien est-ce encore une coup de Système Castafiore qui s'amuse à créer de toute pièce un homme et son œuvre ? En tout cas, à partir des notes et croquis du dramaturge pour son adaptation de The ballad of the Resonian people, Système Castafiore a imaginé Outrenoir. Tout en noir et blanc, on navigue dans une sorte de pièce de Shakespeare ou bien dans un film de Welles, où les danseurs incarnent les personnages de la cour du roi Gravkbek III en costumes et cagoules noires. Les artifices du réelTous ces éclats de noir mettent en valeur les différentes textures des matériaux utilisés. À la fois magique et inhabituel, un tulle en façade reçoit des images qui viennent agrémenter un univers visuel entre installation plastique et images sophistiquées. La frontière entre les disciplines est d'ailleurs floue. Dans Shift H, l'univers est complètement cinétique. Un bijou pour les yeux où les figures abstraites, atmosphériques brouillent les pistes de la compréhension. Dernière partie avec Nagy Fal, un vertige autour de la muraille de Chine à l'humour distancié. Mêlant danse, images très plastiques, le voyage est mystérieusement énigmatique à l'image du monde : ce mélange d'images fait qu'on navigue dans un réseau très moderne, un internet théâtralisé. Les mouvements rapides des danseurs, les images folles, invraisemblables, burlesques aussi, se mélangent à la musique baroque interprétée par l'ensemble musical Solisti Vocali, et des musiques électro sombres composées par Biscuit. Au final, on a perdu tout repère ; l'expérience visuelle renvoie à des réactions sensorielles. Ce langage non codifié a pourtant réussi à représenter notre réel, tout en s'approchant du domaine de l'inconscient.Système Castafiore dans Outrenoir / Shift-H / A Nagy Fal les 30 et 31 mars à 20h, à la Rampe

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