Monstres & Cie

Entretien / Retour attendu de Dionysos sur la scène du Summum pour cette tournée jouée à guichets fermés. Mathias Malzieu, lutin électrique en chef, revient sur l’histoire particulière de “Monsters in love“, dernier opus jumeau de son roman “Maintenant qu’il fait tout le temps nuit sur toi“. Propos recueillis par Arnault Breysse

Dans ce nouvel album, il y a pas mal de pistes entrevues lors de la tournée acoustique. Un travail sur les atmosphères, des ambiances qui lorgnent vers le cinéma… Comment s’est déroulée son élaboration ?Mathias Malzieu : On a terminé le mix des lives acoustiques et électriques, des ambiances commençaient à se fabriquer. On a toujours eu un côté musique de films, comme sur Western sous la neige, entre la surf music et le western. Des choses plus nocturnes commençaient à pointer leur nez, du côté de Danny Elfman, de Kurt Weill et des premiers Tom Waits. De la musique de monstres… Après avoir perdu ma mère et au moment de composer, je me suis mis à complexer. J’assimilais le fait de chanter à un truc dégueulasse. J’ai perdu ma mère à 19h30, le lendemain on devait être à la Fête de l’Huma. Comme le fait de perdre un proche n’était pas spécifié dans le contrat, il nous ont facturé 5000 euros. C’est pas l’histoire des sous, c’est une symbolique que j’ai pas réalisée sur le coup. Je voulais y aller mais les autres m’ont dit de rester. Trois-quatre jours après l’enterrement, j’étais dans le mixage des lives. Je faisais quelque chose que j’aime avec des gens que j’aime, mais ça m’a mis en stand-by au niveau du deuil. Quand je me suis retrouvé avec mes disques dans les mains, avec aucune chanson composée, j’avais l’impression de n’être plus capable de rien. J’étais complètement en ruine. On dit souvent que la souffrance peut amener des choses, c’est pas complètement vrai. On peut en parler quand on l’a digérée un minimum.Dans le processus de création, il y a cet effet miroir entre le livre et l’album…J’ai d’abord commencé à écrire. J’ai eu cette idée du géant qui venait m’aider en m’apportant un bout de son ombre, un anti-Beetlejuice. Un mort qui aide les vivants à rester vivant quand ils ont perdu quelqu’un. Je me suis dit qu’il était une espèce de passeur, une sorte de chaman. Mais comment le faire venir ? En chantant des incantations… J’ai joué une petite musique au ukulélé. Sans me prendre la tête, j’ai commencé à chanter un truc pour le faire venir. Ça m’a bien plu, j’en ai parlé aux autres et on a maquetté la chanson. Et hop, ça existait, une chanson toute neuve, un nouveau truc qui était “de après”. Ça m’a permis de partir et j’ai commencé l’histoire avec le livre. Les autres n’ont pas voulu le lire avant qu’il soit terminé. Je leur parlais de l’histoire, ils savaient ce que ça racontait, ils étaient partie prenante du truc.Sur scène, vous avez accaparé tous les codes du rock pour les transcender à votre sauce, avec une légèreté presque enfantine. Avec ce sérieux que l’on peut avoir quand gamin on joue au foot avec des pulls. Un rock noir qui vous faites virer vers de la magie blanche...Tout à fait, on court après ça. On ne peut pas le commander à chaque fois. On se met en place psychologiquement pour que ça arrive le plus souvent possible. On se prépare, tout le monde a ses petits rites. À chaque fois que l’on monte sur scène, c’est un événement pour nous. On y met un point d’honneur. Même si parfois c’est dur de monter très haut, d’avoir à redescendre pour ensuite remonter.Au fil des années, vous jouez sur d’autres émotions sur scène, plus seulement sur l’énergie.C’est que tu avances, c’est une évolution constante. La tournée acoustique nous a aussi beaucoup appris. Comme faire 45 concerts avec une jambe dans le plâtre m’a appris, une fois debout. Ce sont les transpositions qui sont intéressantes. Arriver à faire des choses avec trois fois rien. C’est ça qui nous a toujours fasciné. On est des fans de Cocteau, ou aujourd’hui de Gondry qui utilisent l’ingéniosité plus que le rapport systématique à la grosse machine. Je préfère Cocteau dans Le Testament d’Orphée qui fait passer son personnage par le miroir dans une baignoire de mercure, plutôt qu’un super morphing de Michaël Jackson.Il y a quand même l’attente de la performance scénique…Je ne me sens pas obligé. J’arrêterai quand je me sentirai obligé. Je dois quelque chose au public mais le plus mauvais service que je me rendrais, sur scène ou sur disque, ce serait d’essayer de le contenter. En tout cas de le mettre comme une priorité. Ça ne veut pas dire que j’en ai rien à foutre des gens, au contraire, je donne tout ce que j’ai. Mais je veux les considérer en donnant ce que j’ai envie de donner, sinon je commencerai à faire de l’exercice de style et de l’auto-parodie. À partir du moment où la passion et l’envie sont là, tout est transcendé. C’est un don gratuit finalement. Il y a un truc impalpable qui fait que des fois, ça se passe. Tu commences à oublier qu’il y a un micro, un public, une scène. Quand t’as goûté à ça, tu essaies de travailler pour que ça se reproduise le plus souvent possible.Dionysosle 9 mars dès 20h (Cyrz en première partie), au Summum

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