L'âge de raison

Portrait / L'air de rien, ceux qu'on surnommait affectueusement les p'tits Shaâdy ont désormais huit années d'existence derrière eux. Des premiers jets ouvertement reggae à leur récente apothéose scénique, petit récit d'une maturation plus que concluante. François Cau

Début 1997. Qu'elle le veuille ou non, Grenoble résonne alors de mille et une vibrations reggae. Les grands frères de Sinsémilia dispensent leur bonne parole, et montrent l'exemple en remplissant des salles de plus en plus grandes. Discrètement, une bande de quatre potes ourdissant leurs premières armes musicales dans le rock, le classique ou le jazz décident d'unir leurs forces vers un projet commun. Rejoints par un cinquième sbire saxophoniste, les Original Bad Lions peuvent commencer à tripatouiller du reggae roots. Le groupe joue avant tout pour se faire plaisir, compose en fonction des instruments qui lui tombent sous la main, et devient l'auberge espagnole des camarades motivés par l'aventure. Au gré des va-et-vients, la forme fluctuante des Original Bad Lions se stabilise en juillet 1997, et réunit enfin ceux qui mèneront le projet jusqu'au bout : un batteur, un clavier, trois guitaristes, un percussionniste, deux saxophones et un bassiste (qui quittera le groupe six mois plus tard, au profit d'un guitariste). L'heure est encore à la désinvolture ; la somme des individualités se met d'accord pour ne pas trop se prendre la tête, et foncer ensemble dans une même direction festive. Miracle de la conjoncture précitée, les propositions de concerts tombent quasiment toutes seules. L'insouciance a du bon, les OBL, affichant une moyenne d'âge de 17 ans, enchaînent les dates avec un succès souvent insolent. Tant et si bien qu'en décembre 1998, l'heure est aux grandes décisions. Première gifleLes huit musiciens prennent le parti d'organiser leur vie autour de la formation, rebaptisée Shaâdy (“chaleur humaine” en iranien) par Arash Sarkeshik. Les objectifs ? Sortir du reggae de quartier pour verser dans une autre recherche musicale, multiplier les dates pour affirmer une identité encore indécise, digérer dans ce but les influences et apports de chacun au sein du groupe. Mais le vrai tournant reste encore à venir. En juillet 2000, fortement poussé par Chid, ingé-son des Sinsémilia qui s'occupera des prises de son, les huit musiciens enregistrent chez l'un d'entre eux un album de onze morceaux, onze compositions qu'ils trainent sur scène depuis maintenant près de quatre ans. Rue des Mites sortira en janvier 2001, et s'il allume les premiers projecteurs sur les Shaâdy, ces derniers ne profitent pas vraiment de la lumière. On sent déjà fortement les futures envolées orientales, les flows ragga donnent le change, mais la satisfaction artistique n'est pas vraiment au rendez-vous. Dixit Julien Encenat, «Tout le monde dans le groupe a pris ça comme une grosse gifle. C'était un apprentissage commun fondamental, mais pour nous ça résonnait comme une sorte de compte-rendu de nos années Original Bad Lions. On n'avait pas vraiment de notions de construction des morceaux, d'arrangements... On s'était appliqués mais on considère Rue des Mites plutôt comme une maquette aujourd'hui ; ça nous a permis de prendre du recul, et surtout ça nous a enfin fait sortir de ces morceaux qu'on trainait derrière nous depuis un bon moment, on a réussi à créer de nouvelles choses. C'était en quelque sorte le vrai point de départ». Sur ces nouvelles bases, chacun macère dans son coin, se voue à construire une identité propre à Shaâdy en y incorporant ses spécificités.Prise d'identitéS'ensuivent deux années d'hyper activités scéniques ; les Shaâdy investissent tous les fronts, font régulièrement office de "révélation" lors de leurs pléthoriques premières parties prestigieuses (Zenzila, Israël Vibration, Massilia Sound System...). A l'époque, on aime bien les présenter comme les petits frères des Sinsé, en les réduisant malencontreusement au seul carcan reggae dont le groupe déborde de plus en plus. Sans renier leur tutelle pour autant, la musique de Shaâdy s'égrène au fil des dates. Le plaisir du groupe sur scène est prodigieusement communicatif, même si la machine ne demande qu'à se rôder. L'enregistrement de leur deuxième album, Tribulations, marque le virage décisif. Chaque membre est sollicité pour composer son propre morceau, avant de le voir trituré et finalement réapproprié au mieux par les autres. Pleinement effectuées à l'écoute des autres, dénuées de tout leadership, les sessions en studio (cette fois-ci sous l'égide de Fred "Brain" Monestier) portent leurs fruits. Les Shaâdy tiennent enfin l'album qui leur correspond, éclaté entre sonorités groove, dub, orientales ; le fameux reggae métissé de leur début s'efface au nom d'une identité musicale propre. Reste l'appréhension définitive de leur performance en live. Pour le double concert à la Faïencerie, qui célèbre la sortie de l'album, les Shaâdy jouent le jeu à fond. Décors, vidéos, scénographie au cordeau, interactions millimétrées entre les musiciens, les spectateurs venus voir un énième groupe festif local sont sciés. Ils viennent d'assister à un vrai spectacle en remontrant aux artistes nationaux. Et ce n'est pas le public de l'Heure Bleue, lors de la dernière édition de Rocktambule, qui pourra prétendre le contraire ; l’infortuné No Smoking Orchestra de Kusturica n'est jamais arrivé au niveau de l'ambiance hallucinante dégagée par leur "jeune" première partie... Et pour leur concert de ce week-end, le groupe nous prépare apparemment de belles surprises (voir ci-dessous). Shaâdyle 12 février à 20hà la Maison de la Musique de Meylanalbum : "Tribulations" (Mosaïc)

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