«La beauté partagée»

Sans doute l’un des plus grands violonistes actuels, Vadim Repin, 36 ans, jouera un monument musical, le concerto de Beethoven à la MC2. Propos recueillis par Séverine Delrieu

Petit Bulletin : Enfant, de quelle manière avez-vous découvert la musique, et pourquoi avez-vous commencé à jouer du violon ?
Vadim Repin : J’étais vraiment petit, j’avais 3 ans. J’ai demandé à ma mère d’avoir un instrument de musique, mais plutôt comme un jouet. Mais vous savez, dans ma famille, personne n’est musicien. À cause de cela, elle a pensé que c’était important, et elle m’a emmené à l’école de musique. Elle est entrée dans la première école de musique, elle a pensé que c’était la meilleure (rires). Nous étions dedans et, malheureusement, les instruments dont je savais un peu jouer comme la flûte, l’accordéon, le xylophone, étaient déjà pris par les autres enfants. Il n’y avait qu’une seule possibilité, c’était le violon - apparemment un instrument qui n’était pas très populaire à ce moment-là (rires) -, et elle m’a dit, “tu as envie d’en jouer ?”, et j’ai saisi cette chance. Puis j’ai commencé à travailler, à prendre des cours, et le violon est devenu mon jouet favori (rires). C’est surprenant, mais ce fut ma chance.Puis vous avez pris des cours avec le professeur Zakhar Bron dans votre Sibérie natale, et gagné, à l’âge de 17 ans, le prestigieux prix de la Reine Élisabeth. Que vous a apporté ce prix, à vous, à votre carrière, a-t-il changé votre vie ?
C’est difficile de dire oui ou non. Oui, bien sûr, sur beaucoup de plans, cela a apporté énormément à ma carrière. Mais je ne pense pas que du jour au lendemain, cela ait vraiment changé ma vie d’une manière “dramatique“, car avant cette compétition, j’avais déjà joué dans des salles importantes, le Carnegie Hall, en Allemagne, au Japon ; j’avais déjà tourné dans beaucoup de pays. Mais, oui bien sûr, cela aide véritablement, cela ouvre beaucoup d’autres portes.Vous jouez en récital, avec orchestre ou en musique de chambre. Quelles différences faites-vous, quels ressentis éprouvez-vous pour ces différentes formes ?
C’est vrai qu’à chaque fois, ce sont des manières différentes de faire de la musique. Avec l’orchestre, c’est un peu “pompeux“, mais puissant. Quand vous jouez à deux, tout de suite c’est plus intime, plus personnel. Dans la musique de chambre, on est proche, mais vous devez partager votre âme avec vos partenaires. Ce sont des états d’esprit et des plaisirs différents. Mais j’aime vraiment la musique de chambre. D’ailleurs, je me dis que lorsqu’on joue avec orchestre, il faudrait trouver ce même dialogue que celui que l’on cherche en musique de chambre.Vous parliez de la musique de chambre. Vous avez joué avec Yehudi Menuhin. Quelles autres collaborations furent mémorables pour vous… Je pense notamment à celles, récentes, avec Nicolaï Lugansky.
Oui, nous jouons souvent ensemble. C’est un partenaire important pour moi. Avec Martha Argerich, ce fut aussi très spécial. Nous avons enregistré un disque Beethoven, son concerto (avec le Wiener Philharmoniker sous la direction de Riccardo Muti, NDLR), et avec elle, La sonate à Kreutzer. Ce fut une expérience importante, passionnante. Mais aussi avec Mischa Maisky, nous avons joué Esquisses. Avec chaque personnalité, il faut trouver le terrain propice à la communication et converger vers un langage commun. On trouve de l’entente et quelques fois du conflit, mais c’est à chaque fois différent selon la personnalité.Vous vous intéressez aussi à la musique contemporaine. Vous avez notamment joué le concerto de John Adams. Avez-vous d’autres projets concernant la musique contemporaine ?
D’abord, oui, j’aime beaucoup ce concerto de John Adams. J’ai quelques projets intéressants qui devraient voir le jour, mais avant qu’ils ne débutent, je ne préfère pas les dévoiler, je suis un peu superstitieux ! (rires) Mais ce que je peux déjà mentionner, concernant un des projets, c’est qu’avec Midori (une autre immense violoniste japonaise, NDLR) nous montons un programme de cinq pièces courtes que cinq compositeurs contemporains ont écrit pour nous.À la MC2, vous allez jouer le Concerto de Beethoven. Pour quelles raisons ce concerto vous touche-t-il tout particulièrement ?
De mon point de vue, c’est le plus beau, le plus difficile et le plus délicat des concertos : à chaque fois que je le joue, je me lance un véritable challenge. Et ce que j’aime dans cette musique, et qui est très important, c’est la combinaison entre des choses très simples, presque enfantines, et en même temps, la profondeur de la musique, si divine, si touchante. Ce Concerto n’est pas le typique Beethoven que nous connaissons, en colère, rageur, mais cette pièce dans son ensemble est une musique parlant du partage de la beauté, comme dans une histoire d’amour. C’est une sorte de méditation aussi. Et c’est ce qui est surprenant dans ce concerto. Mais en même temps, il est tout simplement le plus génial.Ce sera la première fois que vous collaborerez avec Jun Märkl.
J’ai joué de nombreuses fois avec L’Orchestre National de Lyon, mais oui, avec Jun Märkl, ce sera notre première collaboration.Beethoven Bruckner. Orchestre National de Lyon. Direction : Jun Märkl, Soliste : Vadim Repin, ven 14 déc à 20h30, à l’Auditorium de la MC2.

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