Passe-passe

Tonie Marshall réussit une hilarante et généreuse comédie fourre-tout au casting aussi improbable que réjouissant. Christophe Chabert

D’abord, dire le plaisir éprouvé à la vision de Passe-passe. La comédie française ne nous a plus habitués à autant de générosité, préférant en général une approche prudente faite de connivence complice et de calcul marketing. Tonie Marshall, elle, choisit de faire l’inverse, avançant en kamikaze sur tous les fronts, du burlesque à la comédie de caractère, du rire grinçant à la franche déconnade.
Ce qui produit un film apparemment sans queue ni tête, à l’intrigue parfois incompréhensible mélangeant sans ménagement trafics internationaux et petites combines, coucheries politiques et coup de foudre romantique, altermondialisme et Alzheimer, Darry Cowl et Frank Sinatra.
En fait, Passe-passe est plutôt un film à plusieurs têtes et plusieurs queues, tiré vers des extrêmes a priori inconciliables qui lui confèrent pourtant sa folie contagieuse.Bien vu, bien connu
Ce poisson-film a cependant un corps et des arêtes : le couple hilarant formé par Nathalie Baye et Edouard Baer. Elle, grande bourgeoise fuyant son amant de ministre avec un sac bourré de billets ; lui, prestidigitateur raté naviguant à vue entre une mère malade et un beau-frère magouilleur. Ce tandem-là est le centre de gravitation vers lequel tout le reste du film revient, aimantant les embrouilles au gré de son parcours accidenté.
D’un côté, le beauf vociférant incarné par Joeystarr, révélation d’une vraie nature comique ; de l’autre, les gangsters sud-coréens échappés d’un polar de là-bas, élégants et distanciés. Et puis encore la mère atteinte d’Alzheimer (Bulle Ogier) et la fiancée touchée par le syndrome De la Tourette (Mélanie Bernier). Et enfin, le ministre au portefeuille incertain (Guy Marchand) et sa barbouze apathique (Maurice Bénichou).
Dans ses films précédents, Tonie Marshall cherchait, avec un certain volontarisme, à marier de force l’humour et l’émotion. Passe-passe, par cette capacité à étirer son récit dans toutes les directions, expérimente une autre voie : si on arrive à rire des dérives du capitalisme mondialisé, il n’y a pas de raisons que l’on ne soit pas ému au détour d’un gag par l’amour réciproque d’un fils et de sa mère.
C’est l’enchaînement trépidant des situations qui domine, et non plus les intentions du scénario. En cela, le casting du film est décisif : il ne s’agit pas de chercher le contre-emploi, mais plutôt le super-emploi, le rôle qui colle immédiatement à ce que l’on sait et ce que l’on aime chez ces comédiens-là.
La mise en scène poursuit aussi cette efficacité: quand Baye et Baer s’arrêtent dans une boîte de nuit, celle-ci s’appelle le «slow club» ; à l’intérieur, tous les couples y dansent le slow en se roulant d’interminables galoches. Ce sont ces idées, simples mais innombrables, qui font de Passe-passe un divertissement majuscule, une réussite aussi inattendue que précieuse.Passe-passe, de Tonie Marshall (Fr, 1h33) avec Édouard Baer, Nathalie Baye, Joeystarr, Guy Marchand

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