L'homme orchestre

L’Île Barbe déménage aux Caraïbes pendant trois jours : Y Salsa Festival est de retour, avec dans ses valises le grand willie colon. Nicolás Rodríguez Galvis

Voix intacte, trombone assassin, rythmes endiablés et textes toujours aussi engagés, voici Willie Colón, “l’architecte de la salsa urbaine”. Très loin de Vamos a la playa’ et Caliente, caliente, clichés indéfectiblement liés aux cultures (surtout musicales) latino-américaines, les compositions de Willie Colón se dressent au rang des plus belles études de l’identité “latina”. La particularité des manifestes musicaux de cet artiste incontournable est que ses chansons se construisent à partir de deux bases fondamentales et complémentaires. D’une part, l’essence de sa musique est le mélange de genres (guaguancó, son, bugaloo…) qui bouleverse sans cesse les patrons rythmiques de la salsa et lui permet d’être toujours novatrice. De l’autre part, sa musique veut aller au-delà d’une musique faite que pour danser ; Willie ne chante pas juste pour chanter, «chanter est un engagement», affirme-t-il dans une de ses chansons.Musique pour exister
Ce n’est pas un hasard si le dernier orchestre de Willie Colón s’appelle les Legal Aliens (les étrangers légaux). D’origine portoricaine, Colón est né à New York, dans le Bronx, en 1950. S’il parle parfaitement anglais, il est encore perçu comme un étranger, comme la plupart des latinos vivant aux États-Unis. Dans ce climat de marginalité constante «la musique fut pour nous une façon de faire des déclarations politiques», confie-t-il dans une interview donnée à la BBC. En effet, à la fin des années 60 «la musique commençait à prendre la forme de la désobéissance civile». C’est avec un ton provocateur que dès ses débuts il prend le surnom de “El malo” (le méchant), pour ironiser la vision commune de latino-égal-délinquant. Très vite dans sa carrière, il fera des duos avec une des icônes de la salsa, le “chanteur des chanteurs”, Héctor Lavoe. Avec ce virtuose des rimes et des improvisations, ce Maradona de la salsa (à cause de son immense talent mais aussi de sa vie plus que déjantée), Willie enregistrera dix disques emblématiques pendant sept ans.
C’est en 1977 que Colón décide de travailler avec le chanteur/compositeur Rubén Blades, tout juste arrivé de Panamá. Cette collaboration marquera l’histoire de la salsa à jamais. C’est le début de la “salsa consciente”. Avec des textes qui sont comme des petites nouvelles urbaines, pleines d’ironie, de double sens, de rage et d’humour, ces nouvelles chansons s’attaquent sur le(s) pourquoi de la violence et des injustices, et mettent l’accent sur les discriminations sociales et raciales. Des chansons sur le truand, couteau à la main, du coin de la rue (Pedro Navaja), sur la superficialité du matérialisme et du consumérisme insensé (Plástico), sur la lutte contre l’impérialisme (Tiburón), sur l’unité latino-américaine (Somos el son), par exemple, ont été, et sont encore aujourd’hui, des éléments d’une identité latina qui est encore en construction, et qui doit continuer à se bâtir avec le poids de la culture.willie colonVen 27 juillet à 20h30, au Y Salsa Festival, Lyon (Rhône)

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