La force tranquille

Jun Märkl reçoit dans sa loge. Tout dans son être est pétri d’une exquise politesse, il prend le temps exactement comme s’il l’avait et reste disponible, malgré une générale Mendelssohn une heure plus tard. Pascale Clavel

C’est sa marque de fabrique : rien de surfait, une énorme envie de raconter son métier comme d’autres racontent une belle balade en forêt. On se laisse guider, presque hypnotisé, on découvre alors un homme généreux, un chef d’orchestre surdoué, un musicien hors pair.Jun Märkl est un chef allemand rempli de culture japonaise. Ce grand écart fait de lui un musicien complet. Il suffit de le voir diriger pour comprendre la richesse imposée par cette double culture. Terrien quand l’orchestre tente de lui échapper, aérien lorsque les sonorités deviennent lourdes. Il dirige des pieds à la tête et le public reste ébloui par cette gestique à la limite de la chorégraphie la plus élégante. Depuis son arrivée à la tête de l’Orchestre National de Lyon, il n’a de cesse de faire progresser les instrumentistes, d’imposer son style sans pour cela heurter : «Le style est toujours un mélange de tradition, je profite beaucoup du travail d’Emmanuel Krivine, mais j’ai ajouté des univers qui me sont propres. J’ai par exemple développé la richesse du son des cordes. Il y avait une grande qualité à l’orchestre lorsque je suis arrivé mais il faut toujours développer la variabilité de styles». Odes à la diversité
Depuis qu’il est à la tête de l’ONL, Jun Märkl déroule une somme faramineuse d’idées belles, différentes et exigeantes. L’orchestre suit avec gourmandise et frénésie. Déclinaison : un grand thème par saison qui a débuté avec la musique de Franz Liszt, puis les ballets russes, et enfin Debussy la saison dernière. L’intégrale des symphonies de Beethoven constitue un autre fil rouge de saison en saison. Jun Märkl a également créé des projets autour des anniversaires et, pour la saison 2008/09 plusieurs thèmes coexistent : le bicentenaire de la naissance de Mendelssohn ; la suite des œuvres de Beethoven : « la Cinquième symphonie mais aussi un grand projet autour des concertos pour piano avec l’immense Radu Lupu. C’est très difficile d’avoir un tel pianiste à Lyon et je suis ravi». Pour le nouvel an, cette saison, un concert autour du cirque a été concocté. Et puis, lorsqu’on croit que les idées ne peuvent plus se bousculer, Jun Märkl ose dire presque gêné : «Un autre projet me tient à cœur autour de la gastronomie. C’est un projet un peu fou, des grands chefs seront invités, je vais devoir trouver des musiques représentatives et je vais créer une nouvelle œuvre avec des ustensiles de cuisine jouée par le percussionniste de l’ONL. Si tout fonctionne bien, le public pourra goûter les plats préparés». Cette diversité rend le public curieux et c’est là le pari que Jun Märkl gagne depuis qu’il est à Lyon. Pour chaque concert, il cherche toujours le lien le plus fort avec le public. Pour la saison 2006/07 il a fait jouer la 9ème symphonie de Beethoven et a invité le public à chanter à condition qu’il fasse deux répétitions. «J’ai expliqué l’œuvre, le sens des mots. J’ai expliqué le processus pour préparer un spectacle. C’était un grand succès». Chant d’amour, hymne à la joie
Pour fêter l’anniversaire de la naissance d’Olivier Messiaen, Jun Märkl a choisi de jouer la Turangalîla-Symphonie à Lyon et Grenoble. Il explique ainsi son choix : « Pendant le 20ème siècle, l’écriture musicale a beaucoup perdu de fantaisie, de créativité. Messiaen a gardé et développé une très grande expressivité et une spiritualité très profonde. Si l’on est prêt et ouvert, c’est une musique simple à écouter». La dernière fois que la Turangalîla-Symphonie a été jouée par l’ONL, c’était sous la direction de Serge Baudo en 1975. Oeuvre pour orchestre d’une grande inventivité, elle reste incontournable dans le répertoire du 20ème siècle. Jun Märkl l’a déjà dirigé au Japon où l’œuvre est fort appréciée. Depuis son arrivée, en 2005, à la direction de l’ONL, il ne cesse de tourner autour de cette œuvre, comme une obsession. Il a travaillé le style si particulier de Messiaen et pense que l’orchestre saura faire sonner juste ce chant d’amour et de vie.Messiaen : Turangalîla-Symphonie par l’Orchestre National de Lyon, direction Jun Märkl
Ven 24 oct, à l’Auditorium de la MC2

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