Troublés tous les jours

En farfouillant un peu, les deux groupes à l’affiche du concert événement de la semaine, Tindersticks et dEUS, ont bien un point commun : en dépit de leurs nombreuses révolutions respectives, ils ont su conserver une empreinte sonore unique. Retour sur leurs parcours. FC & PC

Encore aujourd’hui, le fabuleux Trouble every day de Claire Denis fascine. Pour ses nombreux atouts visuels, pour les incroyables performances de Vincent Gallo et Béatrice Dalle, et, serait-on tenté d’affirmer crânement, les mains sur les hanches, pour sa stupéfiante bande-son signée Tindersticks. En se rencardant à la suite de la projection, on découvre une discographie déjà riche de cinq albums, dont la bande originale du Claire Denis constitue un digest tout en langueur dépressive – le thème principal reprend la rythmique de Can our love, le morceau phare de l’album éponyme (2001), l’intense jeu de cordes et l’apport discret mais crucial du piano décalquent les émotions à fleur de peau émaillant Curtains (1997), tandis que l’incroyable timbre de Stuart Staples se charge de faire le lien entre toutes les facettes du groupe. Ce sera d’ailleurs son rôle durant toute l’existence de Tindersticks : garantir l’unité à travers un spectre artistique incroyablement fécond, allant du songwriting folk le plus dépouillé à des enchevêtrements instrumentaux complètement barrés, portés par cette voix directement identifiable. Une voix rauque, dont les échos nasillards outrageusement maîtrisés vous transportent vers des sommets, vous content des histoires de folie superbement ordinaires (savourer à cet égard sa sublime lecture post-rock du 4.48 Psychosis de Sarah Kane sur l’album Waiting for the moon), vous frappent en plein cœur d’une émotion toute en mélancolie, à même de faire chialer Chuck Norris comme une petite fille. Aujourd’hui resserrés en formation trio (avec autour de Staples les “historiques“ Neil Fraser à la guitare et David Boulter aux percussions et aux claviers), les Tindersticks nous ont prouvé avec The Hungry Saw (voir ci-contre), leur dernière production discographique en date, qu’il n’avait rien perdu de leur fascinant pouvoir d’évocation, et ce en dépit de compositions peut-être plus “accessibles“, moins introspectives. Folie flamande
dEUS est, s’il est encore nécessaire de le rappeler, la formation qui a permis à la scène alternative rock belge de s’exporter vers l’international. Le groupe sort un premier disque jazzy, pop, tendu et complètement enragé en 1994, Worst Case Scénario, un album rock déjanté franchement audacieux pour l’époque, mais qui séduit totalement le public. Un EP suit en 1995, My Sister = My Clock, un deuxième essai encore plus expérimental qui compile 13 titres en une sorte d’unique morceau à tiroirs. Ici encore, la critique et le public suivent. Vient alors In a bar under the sea en 1996, un disque dans la même lignée que les précédents mais au son plus lissé, qui enlève au groupe un peu de ce côté sale auquel ils nous avaient habitué. L’album se compose de ballades très pop qui, placées au milieu d’autres “expériences“ sonores, n’enlèvent rien à la qualité première du groupe : son côté fou. Un changement de casting s’opère avec le départ de Stef Kamil Carlens, déjà sur les starting-blocks avec son autre groupe Zita Swoon. Mars 1999, The Ideal Crash poursuit dans la lancée de In a bar under the sea, mais avec un formatage plus classique des morceaux (beaucoup plus couplet-refrain). Malgré un polissage encore plus important du son, le disque n’en demeure pas moins un très bon recueil de pop songs. dEUS devient grâce à ce disque plus populaire, notamment en France et aux Pays-Bas. Tom Barman fait un léger break afin de réaliser son film, Any Way The Wind Blows, et s’ensuivent divers départs (notamment celui de Craig Ward en pleine séance d’enregistrement) qui sèment le doute dans le groupe. Mais l’arrivée de Mauro Pawlowski apporte espoir et renouveau, et dEUS repart sur les chapeaux de roues avec Pocket Revolution en 2005, le plus gros succès commercial du groupe. Dernier disque en date, Vantage Point se veut plus dansant, plus direct que les précédents opus, mais le groupe conserve malgré tout quelques notes de folie, d’autant plus appréciables sur scène.Tindersticks / dEUS
Vendredi 28 novembre à 20h
au Summum

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