Marathon de chambre

Les mélomanes qui aiment les expériences de l’extrême vont être servis. La MC2 leur propose d’avaler en trois soirées bien remplies, l’intégralité de la musique de chambre de Félix Mendelssohn. Pascale Clavel

Le bicentenaire de la naissance de Mendelssohn se fête en grand à la MC2. Une intégrale c’est un moment jouissif pour tout le monde : pour les interprètes qui n’ont que rarement l’occasion de l’immersion totale, comme pour un certain public inconditionnel que ces trois jours vont radicalement bouleverser. Pour les mélomanes frileux, ceux qui viennent avec parcimonie goûter un ou deux trios - pas plus sinon c’est trop - ils vont rater un bel événement. Entrer dans l’univers feutré de la musique de chambre ne se fait pas sans quelques précautions. Tout d’abord, enlever un à un les a priori qui collent souvent à cette forme musicale. Un duo n’a rien d’un trio qui lui-même n’a rien d’un quatuor qui lui-même ne ressemble en rien à un quintette etc… Le terme générique de Musique de chambre englobe des univers aux saveurs bien différentes et c’est cela qu’il faut aller goûter avec avidité. Attention, on ne va pas à un concert de musique de chambre comme on va entendre la Tétralogie de Wagner. On y va un peu sur la pointe des pieds parce que chaque fois, on a l’intime sensation que les instruments jouent au creux de notre oreille. Félix le sage
Mendelssohn est un compositeur que l’on range souvent parmi les classico-romantiques, tant cet homme écrivait des œuvres élégantes et dépourvues d’excès dans un XIXe siècle musicalement échevelé. Lui-même se décrivait comme : «un homme dont l’unique et incessante préoccupation est d’exprimer sincèrement, dans –ses- compositions, les sentiments de –son- cœur…». Voilà l’homme, ni passionné, ni révolutionnaire. Sa musique souvent aérienne, féérique diront certains, nostalgique parfois semble limpide… Il ne faut pas s’y tromper, elle est beaucoup plus complexe et moins formelle qu’elle n’y paraît. A une époque où Liszt affiche une virtuosité délirante, Mendelssohn reste dans une écriture simple. Il compose frénétiquement depuis l’âge de 12 ans et s’exprime dans tous les genres : oratorios, symphonies, concertos mais ses créations pour le piano comme celles pour la musique de chambre sont les plus abouties et les plus émouvantes. Ce qui séduit d’emblée, c’est l’équilibre parfait qui règne dans ses trios, c’est encore le sens admirable des proportions dans l’ensemble des ses quatuors. Schumann disait d’ailleurs à propos du Trio avec piano en ré mineur qu’il était le plus beau de son époque. Que dire encore des couleurs sombres et des rythmes fous qui déferlent dans le trio en ut mineur si ce n’est le bouleversement qu’ils suscitent ? Peut-être faut il enfin savoir que son activité incessante de chef d’orchestre, de compositeur, d’interprète et les deux choc successifs reçus à la mort de son père et de sa sœur Fanny ont rempli son œuvre d’une mélancolie profonde. Du gratin pour Félix
C’est la fine fleur des chambristes qui se déplace à la MC2 de Grenoble pour cet événement singulier. Rien de moins que des formations au parcours fulgurant qui ont en commun d’avoir raflé les premiers prix des plus grands concours internationaux. Le Trio Chausson qui s’est produit dans les plus grandes salles du monde - au célèbre Carnegie Hall de New-York entre autre - interprètera les deux trios pour violon, violoncelle et piano de Mendelssohn. Beaucoup s’y sont frottés, mais Philippe Talec au violon, Boris de Larochelambert au piano et Antoine Landowski au violoncelle vont certainement offrir une version équilibrée et puissante. On les sait convaincre en concert le public le plus sceptique parce que leur jeu est unique et leur connivence légendaire. Pour le jeune Quatuor Modigliani, une des formations les plus demandées dans le monde, pas d’effet de manche, pas d’esbroufe, juste une palette de couleurs extraordinaire et une maturité musicale étonnante. Ils donneront avec le Quatuor Sine Nomine - que l’on ne présente plus - l’Octuor pour quatre violons, deux altos, deux violoncelles, en mi bémol majeur, opus 20 dont Schumann disait : «Ni dans les temps anciens, ni de nos jours, on ne trouve une perfection plus grande chez un maître aussi jeune». Il faut dire que Mendelssohn compose cet Octuor à 16 ans et que cette œuvre n’en finit plus de fasciner.Gageons que par ces temps de total grand froid, les trois soirées totalement Mendelssohn sauront vous réchauffer.Totalement Mendelssohn
Intégrale de la musique de chambre
Du 26 au 28 février, à la MC2

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