Gérardmer jour 2 : des tueurs, un astronaute, du cuir, et encore des zombies

Ce deuxième jour à Gérardmer a été riche d’un enseignement : le principal ennemi du festivalier est le froid et sa catin de petite sœur, la neige. Rien de pire que de poireauter entre deux séances dans un blizzard revêche qui crie ton nom, découragement. Surtout quand le film qui précède ce calvaire n’a pas été à la hauteur des espérances… FC

Tel est le cas du deuxième film vu dans le cadre de la compétition officielle, que j’avais amoureusement promis de rattraper : Possessed de Lee Yong-ju. Un premier long-métrage qui s’aventure sur le terrain de la ghost story retorse, genre revisité plus que de raison par la nouvelle génération de cinéastes sud-coréens. Malheureusement, en dépit de quelques lueurs d’angoisse rondement troussées, le film accuse une grosse demi-heure de trop, emberlificotant à outrance son intrigue au détriment de sa portée émotionnelle. Le climax aurait pu être bouleversant, notamment dans son dévoiement du contexte religieux dans lequel les personnages baignent malgré eux, il ne fait que hausser vaguement le sourcil gauche. Le niveau remonte avec Moon, une autre première œuvre signée Duncan Jones. Un huis clos de science-fiction transcendé par la performance exceptionnelle de Sam Rockwell, seul comédien en scène (bon allez, signalons quand même le featuring vocal de Kevin Spacey !). Une réalisation sobre, un scénario osant tutoyer les vertiges métaphysiques avec élégance, Moon a tout du film de petit malin désireux d’étaler son savoir-faire, mais il se dégage de l’ensemble une humilité louable, à même de séduire toutes les catégories de cinéphiles. On redescend les montagnes russes cinématographiques à toute vitesse avec la grosse déception de cette sélection officielle : Amer d’Hélène Cattet et Bruno Forzani. Précédé d’un buzz qui ne manquera pas de le desservir, le film se pose comme un hommage au giallo italien, avec en immédiate ligne de mire les œuvres emblématiques de Mario Bava et Dario Argento. Les deux réalisateurs adoptent un parti pris radical : conter leur histoire d’un point de vue strictement sensoriel. Le travail sur l’image et le sound design témoigne d’une méticulosité maniaque, et donne souvent naissance à des plans d’une beauté à couper le souffle. Las, le procédé s’évente à la première bobine, et au bout d’une heure de film, on a la furieuse envie de faire bouffer aux acteurs les accessoires en cuir qu’ils prennent tant de plaisir à faire crisser en permanence…Assommé par ce pensum arty, on n’attendait rien, mais alors rien de 5150, rue des Ormes (photo) du Québécois Eric Tessier. La surprise n’en fut que plus énorme : cette histoire de séquestration d’un étudiant en cinéma par une famille de gentils psychopathes, menée par un père ayant sa propre idée de la justice, est, disons-le, une véritable claque. Tessier et son scénariste Patrick Sénécal jouent avec un brio sidérant des attentes du spectateur, maîtrisent d’un bout à l’autre un humour noir des plus cinglants, sans oublier les enjeux carrément ambitieux de leur récit. 5150 rue des Ormes marque en outre la révélation d’un acteur grandiose au patronyme génial : Normand d’Amour. Il faudra juste que les spectateurs français passent la barrière de la langue québécoise pour savourer ce tabernacle d’hostie de film. Le temps de se remettre de ses émotions, et on finit la journée par deux films hors compétition. Halloween 2 de Rob Zombie tout d’abord, qui passera directement en France par la case DVD. Même si l’on a vu bien pire sur les écrans dans le genre horrifique, ce n’est pas nécessairement un mal… Le réalisateur nous fait croire pendant un temps à un remake du premier Halloween 2 (la suite du premier film signé Carpenter, oui, je sais, c’est le bordel) avant de s’en tirer par une petite pirouette et d’embrayer sur sa propre vision du fameux tueur masqué. Soit un slasher basique, faisant du Michael Myers de Rob Zombie un pantin perdu dans des rêveries tirées d’un clip de métal (voire emo) des années 90 - seul le personnage de shérif interprété par Brad Dourif bénéficie d’un traitement vaguement intéressant. Enfin, la journée de projection s’achève avec le très sympathique Doghouse de Jake West, bien connu des amateurs de délires trash pour son Evil Aliens. Nous tenons là le seul successeur valable du déjà mythique Shaun of the dead, une comédie avec des zombies truffée de situations superbement grotesques, de punchlines savoureuses, de comédiens suffisamment attachants pour faire oublier l’inconsistance de leurs personnages. On y retrouve avec plaisir les gouailles inimitables de Stephen Graham (Snatch) et Danny Dyer (Severance), on se laisse porter sans aucune réticence par la bonne humeur de ce film peut-être un poil trop léger, mais à n’en point douter idéal pour conclure cette journée marathon.

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