Eric Hurtado aime la photographie, et nous dirons qu'elle le lui rend bien. En explorant les limites de ce que ce médium peut représenter, il vogue vers des terres spectrales où se rejoignent l'abstrait philosophique et la matière concrète du monde réel. Après tout, la photographie transcende le mutisme de l'image, transperce la superficialité de l'enveloppe perçue, de ce qui est vu, et formule à sa manière une interprétation de ce que l'on est trop souvent tentés de nommer « réalité ». Quand on lui demande de photographier une grotte, c'est à une partie plongée dans la totale obscurité qu'il s'intéresse. En sa qualité de « béance » noire et invisible, elle rend curieux l'explorateur qu'il est, avide d'en découvrir la luminosité – et donc l'image – cachée à notre œil trop peu performant. L'eau et la terre s'unissent dans les reflets d'un vert flamboyant et irréel : l'artiste convoque alors le poète Paul Celan « Voix, de par le vert du plan d'eau écorché », ajoutant dans un accès de lucidité que « la voix est l'équivalence sonore du processus du regard ». La caverne platonicienne profite de poses longues pour s'ériger en énergie retrouvée, dans la digne lignée du « dévoilement de la vérité ». La seconde étape de l'exposition nous présente une série de photos très tactiles d'un rideau noir hautement métaphorique, transition vers une dernière pièce qui s'impose comme une mise en abyme aboutissant à un retour sur l'essence photographique : miroirs noirs contenant l'ombre fantomatique du photographe – éternel absent – et reflet du visiteur, nettement plus présent. Ou le salut d'Arcadie dans et par la « surface d'illusion ».
LGEt in arcadio ego
Jusqu'au 26 juin, au Vog