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Vincent Moon : « On vit une sorte d'immense retour du religieux »
Par Hugo Verit
Publié Lundi 14 mars 2022

Photo : Antje Taiga Jandrig
Cinéma / Réalisateur des très reconnus "Concerts à emporter" dans les années 2000 – où l’on pouvait notamment voir Arcade Fire jouer un morceau impromptu dans un ascenseur –, Vincent Moon se consacre depuis 2009 à "Petites Planètes", une série de films consacrés aux rites, aux transes et aux musiques traditionnelles qui les accompagnent. Un projet qu’il présentera dans le cadre de l’événement Transe-en-danses porté par la MC2.
Vous vous êtes fait connaître en tant que réalisateur au milieu des années 2000 avec les "Concerts à emporter", une série de vidéos dans lesquelles vous filmiez des groupes pop-rock (Arcade Fire, Sigur Rós, REM, etc.) de façon plutôt iconoclaste. Plans rapprochés, vue subjective, cadres insolites… Comment avez-vous eu cette idée-là ?
J’ai commencé en fac de cinéma à l’âge de 19 ans mais je ne m’y retrouvais pas vraiment. L’approche cinématographique telle qu’elle était approfondie dans ce cadre-là me paraissait à des années-lumière d’une expression poétique personnelle. J’ai toujours ressenti la nécessité d’affronter le monde sans rapport intellectuel, dans un rapport corporel assez intense. J’ai d’abord travaillé avec un appareil photographique en prenant des photos dans la rue. Mais assez rapidement, je sentais que ce n’était pas vraiment à travers l’image fixe que je parviendrais à trouver un langage à moi, un chemin singulier, alternatif. C’est en me rapprochant de la musique que j’ai commencé à développer quelque chose d’intéressant, en me confrontant au mouvement et au rythme, toujours dans ce rapport organique au sujet. J’ai commencé à filmer des musiciens à l’arrache, caméra au poing, dans une approche punk, très anarchiste, en travaillant volontairement avec très peu de moyens et en improvisant totalement. Il y a 20 ans, c’était les débuts des petites caméras digitales et des ordis portables qui permettaient de monter des films dans n’importe quelle situation. Et je me suis dit : « Voilà ce qu’il est en train de se passer de nouveau dans le cinéma. »
Filmer les musiciens de cette manière leur confère une sincérité qu’on s’étonne presque de ne jamais avoir ressentie en tant que spectateur. Était-ce une volonté de réinscrire les groupes de rock (parfois très connus) dans une réalité plus terre à terre ?
Oui, il y avait vraiment le désir de débusquer et de faire tomber des idoles, d’essayer de revenir à un rapport non hiérarchique au public, sortir de cette fascination pour la star et revenir à une relation très humaine. C’est un vrai processus d’humilité, très beau. Est-ce qu’on n’est pas, avant tout, des gens qui jouons de la musique les uns pour les autres ? Ça n’a pas été facile pour tout le monde, clairement, mais je pense que ça a toujours été très joyeux. C’était une vraie prise de risque pour les musiciens, une prise de risque qui n’était acceptable pour eux qu’à partir du moment où ils sentaient que moi-même, de l’autre côté de la caméra, j’étais aussi en dehors d’une zone de confort et que le chaos était au cœur de ma manière de faire. Ce rapport à l’accident, à la spontanéité dans mon travail, je l’ai découvert comme ça.
Et puis, en 2009, vous décidez de quitter Paris, de partir en voyage et de filmer autre chose : des musiciens traditionnels, des rites, des transes.
J’ai eu quelques mauvaises aventures avec des gros groupes et je me suis dit que je n’avais aucun intérêt à rentrer dans un rapport de business musical, d’argent, de manager. Et puis je ne voulais pas du tout faire carrière en faisant des clips. Ça m’a fait péter un câble. À l’époque, j’ai été invité par des festivals de musique et de cinéma dans différents coins du monde et je me suis rendu compte que je pouvais y rester, je n’avais pas besoin d’y aller que pour trois-quatre jours et de faire un aller-retour complètement absurde. J’ai commencé à explorer ces pays et mes goûts musicaux ont changé. Je me suis intéressé de plus en plus aux communautés alternatives, aux langages en voie de disparition, à des approches musicales autour du sacré et rapidement, j’ai plongé dans la transe. Quand je me suis retrouvé pour la toute première fois au Caire, dans une petite ruelle, invité à un rituel de zar – un rituel d’exorcisme – j’ai pris une claque monstrueuse. C’était comme si la musique revenait à ses origines. Ma fascination pour la musique, je la retrouvais dans ces rites de guérison. Les rythmes, la répétition, les ambiances, les odeurs, les couleurs, tout participait d’une expérience qui allait largement au-delà d’un simple concert. C’était une évidence, c’était la représentation de notre humanité la plus évoluée, la plus raffinée.
Iran, Éthiopie, Brésil, Géorgie, Pérou… Avec Priscilla Telmon, vous avez donc réalisé des dizaines de films et documenté des dizaines de rituels à travers le monde. Qu’est-ce que vous souhaitez montrer à travers cette série intitulée Petites planètes ?
Je n’ai pas le désir de montrer quelque chose en particulier, ou de faire passer un message. D’ailleurs, nos films sont vierges d’information, de tout rapport intellectuel. Mais s’il y a vraiment le désir de montrer quelque chose, c’est l’extraordinaire diversité du monde, au-delà des clichés des médias. J’aimerais ouvrir des alternatives de pensées sur le monde.
Des alternatives qui, selon vous, peuvent passer par un rapport au sacré, à la cérémonie ? En quoi est-ce important pour vous ?
Je pense qu’il est nécessaire de réinitier des rapports de spiritualité collective. On voit émerger, depuis 20-30 ans, une certaine individuation du soin et de la guérison, ce qu’on appelle le développement personnel. Cela touche à l’intégration de savoirs ancestraux globaux, connus des quatre coins du monde, dans une quête personnelle de guérison. Pourquoi pas, sauf qu’il y a une grosse problématique, c’est que ces outils, ces "technologies" que l’on peut trouver en Orient par exemple, doivent à mon avis s’inscrire toujours dans un rapport collectif, dans un rapport de groupe. Et on est un peu en train de se prendre les pieds dans le tapis en les appliquant à un simple rapport individuel.
Aujourd’hui, on vit une sorte d’immense retour du religieux, c’est une évidence. Je pense qu’on est, qu’on a été et qu’on sera toujours dans ce genre de questionnements : pourquoi la réalité ? Quelle est la trame de cette folle histoire que l’on traverse tous ? C’est la question la plus fondamentale de notre existence. On est persuadés que Dieu est mort. Mais pas du tout, c’est une question primordiale dans notre vision du réel et dans la nécessité de le transcender. Et si on ne le fait pas bien, si on ne le met pas au cœur de notre société, on risque d’arriver à une perversion totale de nos actes et de nos énergies.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le spectacle que vous allez présenter à la MC2 le 26 mars prochain ?
Eh bien, je ne sais pas encore ce qu’on va voir à la MC2. Je n’écris jamais aucun projet à l’avance. Ça me semble être une hérésie d’écrire sur le réel. Je préfère m’y plonger corps et âme. Donc avec Loup Uberto et Lucas Ravinale (du groupe grenoblois Bégayer, ndlr), on va collecter des matériaux sonores et visuels pendant une semaine. On va rencontrer des musiciens locaux, notamment Perrine Bourel, violoniste et grande connaisseuse des chants traditionnels de la région, on va filmer des danses locales, diverses choses. Puis on créera une performance basée là-dessus dans une forme improvisée. C’est une façon pour nous de donner une vision très subjective de la culture de votre région, à travers des rencontres impromptues et hasardeuses. Encore une fois, le grand plaisir pour moi est d’être dans un total lâcher-prise.
Fait inhabituel, la grande majorité de vos films sont disponibles gratuitement sur internet. On imagine que cela s’inscrit directement dans votre démarche artistique…
Oui, j’essaie d’expérimenter autant que possible une économie du don afin d’être cohérent avec mon approche de la réalité. Il y avait, dans les années 50, un petit fascicule édité par les situationnistes qui s’appelait Potlatch. Le potlatch est un système de don et de contre-dons, très étudié par les anthropologues, qu’on retrouve dans les tribus natives d’Amérique du Nord. Ce sont des sociétés qui se sont prémunies de la forme étatique consciemment et cela m’intéresse beaucoup. Je suis apte à expérimenter cette idée de dons aujourd’hui car je vis avec très peu. Et je pense que s’il faut changer notre manière de vivre, c’est maintenant ou jamais.
Les Petites Planètes le 19 mars à la Cinémathèque de Grenoble, 4€/5, 5€/6, 5€
Petites planètes - création le 26 mars à la MC2, de 5€ à 28€
Les sons du sacré installation sonore à l'Ancien musée de peinture, du 20 mars au 2 avril, entrée libre
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