Taxidermie

Après “Hic” (2002), film primé dans les plus grands festivals, le jeune metteur en scène hongrois György Pàlfi accouche d'un long-métrage organique et radical. Séverine Delrieu

Dans ce 2e opus, les expériences corporelles extrêmes vécues par ses personnages, contaminent un spectateur éprouvant à son tour des sensations physiques dérangeantes, écœurantes, attirantes (qu'on se le dise, le déferlement de chairs, boyaux, vomis nécessite un estomac solide). Pourtant l'intérêt constant du film réside dans cette opposition : l'effroi cède à la fascination. Pour se faire, le réalisateur use de ses armes lourdes, à savoir un univers baroque/gore dans lequel il plante des situations cocasses. Servies par une mise en scène stylisée, virtuose, (les mouvements de caméra circulaires déclenchent un vertige tangible), et poussée à l'extrême - puisque ne se souciant d'aucuns tabous (tout se montre et de près) - ses armes font feu de tout bois. Les différents tons, tirés comme autant de balles qu'on n'attendait pas, s'enchaînent : les images crues et cruelles naturalistes sont allégées par un humour noir ; les situations grossières et grotesques débordent vers le surréalisme. L'installation plastique n'est pas loin : la thématique de l'art se pose d'ailleurs à la fin du film. Trois histoires, trois destins d'hommes d'une même lignée familiale s'étalent sur trois périodes de l'histoire hongroise. Au passage, le réalisateur livre une critique acerbe, noire des mœurs, coutumes et politiques de son pays et de son époque, tout en rendant hommage aux hommes: ses personnages (joués par des acteurs hors-pair), gueules indescriptibles, personnalités insolites, désœuvrées, nous sont totalement attachants. Corps hardis et hard corpsDans la première partie, Vendel, ordonnance solitaire, frustrée et maltraitée par un officier de la deuxième guerre, survit dans une étable attenante aux chiottes. Enclin à des pulsions sexuelles jamais assouvies, il trouve satisfaction auprès d'éléments naturels, jusqu'à copuler avec une femme “cochonne”... Années soixante-dix, deuxième partie. Kalman, “Poussin” de cette union, s'adonne au “sport” absurde et très répandu : le goinfrage. Sport bovin que pratique sa championne d'épousée. Le couple, filmé façon clichés seventies romantiques, donne naissance à une sorte d'avorton chétif aux antipodes des parents obèses. Voici Lajos, taxidermiste en activité de nos jours, l'ultime tableau. Solitaire, frustré, rejeté par son père, Lajos, ratignolle triste, a de nombreux points communs avec son aïeul, Vendel. Le transgénérationel a fait son œuvre. Dans Taxidermie les hommes et animaux se sont interpénétrés, imbriqués étrangement et de diverses manières sur plusieurs générations. Lajos, lui, incarne la concrétisation de ce trouble passé, et sa fin, exposable dans un Centre d'Art... Se pose la question de l'Art : on se dit que Vendel pratiquant la bougie aurait pu être un grand performer, tout comme l'avaleur de bouffe, un fameux artiste...Ces trois hommes, créatures "monstrueuses" à la Jérôme Bosch et en lutte contre les pouvoirs, baigneront dans leurs frustrations, éternellement. Taxidermie de György Pálfi (Hongrie, 1h31) avec Csaba Czene... (int.-16 ans)

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