Drôle de zèbre

Adepte d’une country folk caméléon, témoignant de ses grandes qualités d’interprète, l’hédoniste (mais conscient) John Butler viendra défendre les couleurs apaisées de son “Grand National“ au Summum ce week-end. Entretien avec l’artiste. Propos recueillis par François Cau

Petit Bulletin : En quoi la grande tournée de Sunrise over the Sea a-t-elle influencé l’enregistrement de ce nouvel album ?
John Butler : Ça m’a conforté dans ma vision des choses, qui est de voir le monde comme un seul et même endroit. Où qu’on aille, on voit des visages différents, mais qui au fond possèdent la même sensibilité. Grand National, c’est ça : le monde comme un seul et grand pays, une seule et grande nation.Vous vous lanciez dans l’aventure avec les nouveaux membres du trio qui vous ont rejoint pour l’enregistrement de l’album. L’alchimie qui se sentait sur l’album s’est poursuivie sur scène ?
Oui, absolument. C’était à la base très excitant, pour tout le processus en studio, de se retrouver avec des personnalités comme Shannon et Michael ; toute cette expérience préalable s’est avérée essentielle. C’était exactement le genre d’alchimie que je recherchais, qui est très délicate à obtenir. Et pendant la tournée, ces liens n’ont fait que se renforcer.Est-ce que votre récent succès à l’international vous a donné l’impression d’avoir plus de responsabilités en tant qu’artiste ?
Il faudrait globalement que tout le monde prenne ses responsabilités, artiste ou non. Après, ça me semble évident que je possède dans ce sens un énorme potentiel pour orienter, faire quelque chose de concret de mon art. Ce sentiment t’envahit lorsque tu te retrouves face à 3000 personnes tous les soirs, tu te dis “ça y est, je peux vraiment influer sur les choses“, tu prends confiance, t’y crois. Mais même sans cette assise, sans le poids de ma carrière, je continuerais à y croire tout aussi fortement, à inciter les gens à faire attention à ce qui se passe autour d’eux, à leur montrer qu’on a chacun un rôle à jouer.Grand National semble être votre album le plus apaisé. Il sonne comme si vous étiez définitivement en paix avec vous-même, sans comprendre que ce ne soit pas le cas pour le reste du monde.
C’est que je ne ressens pas cette pression à laquelle vous faisiez allusion. J’écris sur des choses qui se passent autour de moi, mon amour pour ma femme et mes enfants, comme je peux aborder des sujets moins triviaux, des problèmes qui me touchent. Je ne me sens pas investi d’une mission, je n’exerce que mon droit à écrire et composer. Je dois me maintenir heureux en tant qu’artiste, et en l’occurrence, j’en suis à un stade où je n’ai jamais ressenti un tel bonheur, dans ma vie privée ou professionnelle. Je suis merveilleusement entouré à tous les niveaux, je veux rester dans cet état de paix avec moi-même, demeurer le plus proche de l’idée d’amour en général, être conscient de cette chance le temps qu’elle dure.Vous ne nommez jamais expressément les personnes que vous dénoncez dans les morceaux les plus “politiques“ de Grand National. Est-ce du mépris ou pour marquer votre incompréhension, votre inquiétude ?
Un peu de tout cela. Les tenants du pouvoir ont des responsabilités, il ne s’agit pas de jeter la pierre directement à George W. Bush ou à John Howard. C’est surtout ce que je ressens à propos de nous, en tant que genre humain, ce qu’on en pense, comment on réagit à notre échelle. Où est-ce qu’on va, est-ce que la surenchère guerrière va l’emporter. Le seul témoin de l’évolution de l’humain, ce sont ses actions. Sa capacité à laisser ses dirigeants prendre des décisions en son nom, ou à réagir quand il estime que les choses vont trop loin. Mon propos est de dire qu’il n’appartient qu’à nous que la réelle justice soit rendue.Vous restez indépendant en Australie, mais maintenant que votre audience est internationale, vous êtes distribué par de grandes maisons de disque en Europe et aux États-Unis. Cela vous gêne-t-il d’une quelconque façon ?
Ça me dérange seulement quand j’ai l’impression que moi ou mon équipe pouvons faire un meilleur boulot, c’est arrivé quelquefois. Mais la plupart du temps nous entretenons de très bons rapports avec les maisons de disque, elles croient en nous et nous aident en conséquence. C’est une simple collaboration : on a demandé de l’aide, et cet appel a été entendu. Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que tout ce qui est populaire est forcément mauvais, que si ça sort de telle grosse maison de disque, ce n’est même pas la peine. Je vais vous dire : je n’aurais aucun problème avec Bush s’il faisait les choses correctement, et en règle générale, je ne cherche pas à savoir d’où ça vient tant que ce qui en ressort est positif. C’est comme cela que je marche avec les maisons de disque. Je n’estime pas y avoir perdu une partie de mon âme pour autant, si j’avais vraiment voulu vendre mon âme, j’aurais signé un contrat qui me faisait prendre beaucoup moins de risques, qui m’aurait rendu plus riche. Mais en l’état, je conserve une totale liberté artistique et c’est tout ce qui m’importe. John Butler Trio
Le 29 septembre à 20h30
au Summum
Album : “Grand National“
(Warner Music France)

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