La mort en berne

Opéra / Graziella Contratto et André Fornier ont choisi de collaborer sur une création chargée d'émotions, de poids historique et de richesses infinies : “Der Kaiser von Atlantis”, œuvre composée par Viktor Ullmann dans le camp de concentration de Theresienstadt. La directrice de l'Orchestre National des Pays de Savoie nous en dit plus. Propos recueillis par François Cau

Pouvez-vous évoquer votre première rencontre avec l'œuvre ?Graziella Contratto : Je suis allée à Bâle où le manuscrit est conservé aujourd'hui à la Fondation Paul-Sacher. Il est dans un état assez particulier, on peut y lire les notes et commentaires ajoutés pendant les répétitions à l'intérieur du camp, il y a plein d'écritures et d'encres différentes. Au début le papier est en bon état, mais ça se détériore au fur et à mesure, c'est un véritable processus de création où on peut presque lire la dégradation de l'état de tous les participants. C'est très touchant de vivre ce contact-là. Qu'est-ce qui vous a touché dans Der Kaiser von Atlantis, ce poids de l'histoire ou la possibilité d'aborder une approche musicale différente ?Viktor Ullmann fait partie des compositeurs qui ont vécu plusieurs évolutions de leur style entre 1920 et 1940, il connaissait aussi bien Gustav Mahler que Schönberg, ou les premières tendances jazz arrivées en Europe, il était au fait de ce nouveau style théâtral initié par Bertolt Brecht... Ce qui m'a attiré c'est ce style polyvalent, cette capacité à utiliser toutes ses sources musicales si la tournure dramaturgique de la pièce le demandait. Je me bats depuis longtemps contre cette séparation, entre disons une musique pure et une musique impure, ça a tellement porté préjudice aux artistes et à l'histoire musicale. Je n'ai pas le “droit” d'affirmer que j'œuvre pour des raisons personnelles, je ne suis pas juive, j'ai grandi dans une région très catholique en Suisse, mais en revanche je peux dire que le destin de ce compositeur et de beaucoup d'autres artistes qui ont souffert à ses côtés m'a profondément touché. On ressent une certaine réticence à s'immerger dans cette œuvre, mais il semblerait que l'austérité ne soit pas entièrement de mise.C'est notamment grâce à la musique, qui est extrêmement variée. Il y a du Mahler, une chorale de Bach, des éléments qui sonnent comme des accompagnements de films muets, la mort chante un air de jazz... Il y a surtout cette façon de parler de la mort, de la représenter comme un personnage frustré, qui ne se sent plus honorée comme du temps où on lui organisait des processions, qui a l'impression qu'on la traite comme quelqu'un d'industrialisable, et qui du coup refuse de travailler. Et ce refus entraîne plein d'effets bizarres, tragiques et comiques. C'est ça qui peut troubler, il y a des scènes pleines d'humour, tirées des cabarets allemands des années 20, de l'humour des clowns à la Samuel Beckett. La mise en scène d'André Fornier a vraiment respecté le jeu des acteurs, ce potentiel théâtral qu'on retrouve dans le livret et la musique. Der Kaiser von Atlantisle 16 février à 20h, à la Rampe d’Échirolles

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