AVANT LA NUIT

Figure essentielle de la nuit grenobloise, Ernesto, patron du Code Bar originaire de la Havane, s’est installé en France il y une dizaine d’années. Retour sur une vie pleine de rebondissements en quelques dates importantes. Elodie Bréard

Petit dernier d’une fratrie de six garçons, Ernesto nait et grandit à Pinar del Rio, dans la campagne cubaine. Ses parents sont à l’époque exploitants agricoles, il connait donc une enfance bucolique, partagée entre les travaux à la ferme et les moments de détente comme la baignade dans les fleuves. Mais déjà son esprit curieux et son gout pour l’artistique l’amènent à apprendre la couture avec sa mère et la coiffure avec sa tante, propriétaire d’un salon. C’est tout naturellement, une fois son bac en poche, qu’il devient costumier dans un théâtre à la Havane. Pendant trois ans, il confectionne de nombreux costumes et obtient le prix de la meilleure création lors d’un festival international. Cette récompense lui apporte notoriété et reconnaissance de ses pairs. Pour ce touche-à-tout, une activité, même à plein temps, ne peut suffire. Tout en travaillant au théâtre, il devient le producteur d’une célèbre chanteuse cubaine, Martha Valdes, rencontrée fortuitement. Figure emblématique de la “Nueva Trova” dont Pablo Milanez sera un des disciples, elle révolutionne la musique cubaine et Ernesto prépare ses tournées.CUBA LIBRESur la fopi de ce prix, la Directrice du Département des relations internationales vient le voir un jour, nécessiteuse d’une robe pour une réception. Elle sympathise avec lui, et cette rencontre va s’avérer déterminante dans la vie du jeune homme, déjà désireux de passer à autre chose. Peu de temps après, il accepte un poste de secrétaire au Ministère de la Culture à Cuba, prêt pour de nouvelles aventures. Pendant six ans, il organise le Festival International de théâtre de la Havane, accueille les délégations et rédige les contrats des acteurs qui partent à l’étranger en tournées. Plein de ressources, il apprend l’italien et l’anglais le soir après son travail. Pour ce jeune homme curieux, amoureux de la culture et passionné par les rencontres humaines, cette fonction est une aubaine. Peut-être exacerbe-t-elle son désir de partir ailleurs, plus loin, pour découvrir le monde au-delà de Cuba. Quoi qu’il en soit l’opportunité de venir en France s’offre à lui, il la saisit et à 27 ans Ernesto débarque à la capitale, la Havane dans ses bagages.SOUS LE CIEL DE PARIS…Nouveau pays, nouvel emploi. Il apprend le français en travaillant à la Direction des Affaires scolaires, en qualité d’agent de service et d’entretien des écoles. Tout au long de l’année il s’occupe d’enfants, vacances incluses. Le soir il perfectionne son français en prenant des cours: il souhaite en effet comprendre parfaitement toutes les subtilités de la langue qu’il pratiquera désormais régulièrement, avec certes un léger accent, délicate empreinte de ses origines cubaines. Pendant six ans là encore, sa vie se partage ainsi, entre les écoles, les amis, les soirées au théâtre. Ernesto a toujours cette même passion pour le spectacle. Il se familiarise avec les grands auteurs du répertoire national, comme Sartre ou encore Molière. Travailler à nouveau dans le milieu théâtral lui plairait beaucoup, mais sans diplôme il ne peut prétendre à un poste de costumier. Les pièces resteront des moments de loisir durant sa vie parisienne, qui prend bientôt fin. Désireux de valider ses acquis professionnels, de voir encore du pays, un beau matin il quitte Paris et s’en vient rejoindre des amis à Grenoble où il s’installe.ALLER SIMPLEIci une nouvelle vie recommence, sous le signe des études. Passionné par les langues étrangères, il prépare un deug d’Espagnol/ Portugais, et travaille en parallèle à la Bibliothèque universitaire de Lettres de Stendhal. Ce travail l’enrichit énormément et il se plait à Grenoble, entre son emploi à la fac et ses heures de cours. Incorrigible, il choisit le théâtre en option ; infatigable, il participe activement à la création d’une pièce cubaine «Cécilia Valdés» de Cirillo Biaberdé. Renouant avec ses premières amours, il en dessine les costumes, mais on pourra aussi le voir jouer sur scène lors des deux représentations qui seront données dans les locaux de l’Université Stendhal. Si pour certains la vie est un long fleuve tranquille, pour Ernesto elle ne cesse de prendre des chemins nouveaux, inattendus. Après plus de dix ans passés en France et de nombreuses expériences professionnelles enrichissantes, il réalise un rêve en devenant le propriétaire du «Code Bar» en 2002.LA VIE LA NUIT…Si cette soudaine activité peut paraître surprenante, elle témoigne en réalité de cet amour d’Ernesto pour les autres, les rencontres, les diversités. Depuis trois ans, il mène une vie aux horaires décalés, loin du monde du spectacle et des bancs de la fac. Ouvert 6 jours sur 7, le Code Bar est devenu sa deuxième maison où il reçoit ses amis avec une chaleur et un accent dans la voix inimitable. Il en a fait un des lieux incontournables de la nuit gay grenobloise, partenaire de toutes les initiatives locales afin d’améliorer la visibilité homosexuelle. Il organise régulièrement des soirées en collaboration avec le Georges V, prévoit des travaux de rénovation afin de satisfaire au mieux sa clientèle qui comprend de nombreux habitués. Pour le moment, il envisage de rester encore quelque temps derrière son comptoir, mais il a toujours un projet qui le motive. Chaque année il retourne à Cuba voir sa famille restée là-bas. En France, son pays lui manque. Mais désormais ses repères, son quotidien, sont ici. Lui-même comme il le dit se «sent plus d’ici que d’ailleurs». Riche d’une existence aux contours multiples, il fait de chaque instant de vie des moments de bonheur et de plaisir, dédiés à la fête et à la convivialité. Que demander de plus…

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