Huitième Swell

Après une longue éclipse, David Freel, unique rescapé de Swell, reprend du service avec South of the Rain and Snow, huitième album qui ressuscite l’âme d’un groupe essentiel. Stéphane Duchêne

Malédiction des formations émargeant dans la colonne « meilleur groupe du monde que personne ne connaît » : personne n’aura remarqué, toutes ces années, l’absence de Swell, peu auront donc pétaradé sur son retour bancal. Bancal car du groupe originel, né à l’aube des années 90 à San Francisco, il ne reste que David Freel, vieilli, usé, fatigué par les pérégrinations basse-fidélité du groupe, mais vaillant. Monte Vallier et Sean Kirkpatrick, membres historiques, barrés à l’anglaise, Freel a mis Swell entre parenthèses, avant de revenir à (swell), toujours entre parenthèses mais littéralement. En réalité, Swell n’était déjà plus guère Swell depuis le grand Too Many Days Without Thinking (1997), succès critique incontesté, carton public hors norme pour le groupe : 40 000 ventes monde, l’épure jusque dans les bacs. L’épure, élevée chez Swell en esthétique pour ne pas dire en mode de vie, source d’un rock moody qui fait des petits : Swell (1990), opus le plus méconnu (c’est dire !), puis surtout…Well (1993) et 41 (1994). À l’époque, le folk n’est pas encore à la mode Coming Soon/Cocoon. Moins branché que déconnecté, il vit dans les tranchées, dans le passé et dans le brouillard : flou artistique mais aussi smog légendaire de la baie de San Francisco, épicentre d’un mouvement de terrain musical (Palace, Low, Vic Chesnutt et des dizaines d’autres) qui s’étend bien au-delà du Golden Gate et porte haut la bannière étiolée.«Waiting for a beer»
De la matricielle scène de San Francisco (Red House Painters, Tarnation, American Music Club…), Swell, terré dans un hangar de Tenderloin (un quartier mal famé), est l’un des plus beaux représentants : arpèges et riffs de guitare, rythmique tachycarde, timbre voilé sont reconnaissables dès les premières mesures. Et toujours, jaillissant au cœur de cette Amérique déprimée (et Bush Jr. n’est même pas encore là !), une lumière noire venue de nulle part : la marque de Swell. C’est le côté face et pop du groupe, qui arrache un sourire figé à leur côté pile et folk, plus enclin à la bile. Ce psychédélisme sans soleil donne tout son éclat sur leur plus beau titre, le plus connu aussi, Sunshine Everyday, sur Too Many Days Without Thinking, l’album auquel on revient toujours, aboutissement artistique qui se muera en chant du cygne. Car de ce disque le groupe ne sort pas indemne : entre 41 et Too Many Days…, American Recordings, le label de Rick Rubin, embaumeur officiel de Johnny Cash, a entrevu le potentiel « commercial » du groupe. Mais la suite vire au cauchemar : gestation interminable, trésorerie hasardeuse, Rubin leur rend leur contrat mais garde les bandes. De cette époque troublée et éreintante reste des traces qui ressortent aujourd’hui sous l’intitulé The Lost Album. C’est Sean Kirkpatrick, le batteur métronome, qui tourne le premier la page laissant Vallier, bassiste et arrangeur de génie, et Freel, compositeur et parolier plutôt prolixe pour un gars qui n’a pas parlé avant l’âge de 5 ans. 2 sur 3, c’est encore pas mal. Sauf que le batteur était la colonne vertébrale de l’ensemble et que sans colonne vertébrale on a tendance à s’affaisser. Mieux produits, moins claudiquants, leurs albums suivants déçoivent les puristes. Embêtant quand on a un public composé uniquement… de puristes. Las, Vallier se carapate quand Kirkpatrick revient avant de laisser Freel s’épancher seul, délitant son timbre dormant au point d’entrer en hibernation. Aujourd’hui South of the Rain and Snow, disque solitaire d’un éveil où les os craquent, n’est pas qu’un disque de (swell) c’est aussi le meilleur de Swell depuis dix ans. Toujours mélancolique et brumeux mais laissant passer la lumière. Freel n’a jamais cessé de le répéter à longueur d’interview « je trouve mes chansons plutôt heureuses. Je ne suis pas très exubérant mais je n’ai pas le sentiment d’être triste. » On veut bien le croire quand sur le dernier morceau de South of the Rain and Snow, ce roi du double-sens confie : « I’ve got no problems, i’m just waiting for a beer ». De là à conclure que la parenthèse de (swell) a des allures de mise en bière…(swell)
sam 25 oct à 20h30, au Ciel

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