Saltimbanque contemporain

THÉÂTRE / Fellag, haut dignitaire de l’humour kabyle, revient avec Tous les algériens sont des mécaniciens, un nouveau spectacle plus théâtral, et paradoxalement plus politique. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Petit Bulletin : Comment peut-on vous présenter ? En tant qu’humoriste, comédien, … ?
Fellag : Un peu tout ça à la fois ! Je suis comédien, metteur en scène, comique, humoriste, écrivain aussi puisque j’écris mes textes… C’est une chance de pouvoir s’amuser en me baladant dans toutes les branches de ce métier formidable de forain, de saltimbanque !Les Algériens sont tous des mécaniciens, votre dernier spectacle, apparaît plus politique, plus engagé que les précédents…Complètement. Je creuse le même sillon, mais j’essaie d’aller encore plus loin à chaque fois dans ce mélange entre rire, amour et malice. Car il y a un côté ludique, je joue à dire des choses graves pour mieux les supporter, pour mieux les dépasser, ce qui crée une complicité intellectuelle et émotionnelle avec le public, toujours avec tendresse…Une tendresse qui permet une critique plus habile de la société algérienne. Quelle est justement la réaction du peuple algérien ?
Elle est formidable ! Ça fait maintenant vingt ans que je fais ce métier, j’avais commencé là-bas, puis je suis arrivé en France – d’ailleurs, pour l’anecdote, je suis venu à Grenoble pendant deux ans avant de partir à Paris ! –, et depuis vingt ans les Algériens me suivent avec beaucoup de plaisir. C’est une preuve de leur capacité à encaisser la critique de façon joyeuse parce qu’ils n’oublient pas que nous ne sommes pas dans un forum politique mais au théâtre, sur un terrain où l’imaginaire et la fantaisie permettent de se moquer des situations qui nous mènent vers l’absurde. Donc les gens m’accueillent avec amour tout en sachant que je vais un peu les égratigner. Mais c’est leur humour à eux que je pousse encore plus loin parce qu’ils aiment fondamentalement rire d’eux-mêmes.Comment est né Tous les Algériens sont des mécaniciens ?
Quand j’ai écrit L’allumeur de rêves berbères, mon dernier roman, le premier chapitre sur les mécaniciens – que beaucoup ont trouvé drôle, burlesque et politique – m’a donné envie d’en faire un spectacle à part entière. Je suis parti de là pour aller vers cette écriture, en faisant appel à un personnage féminin. Dans tous mes spectacles, je parle des femmes, de leur liberté que je défends constamment avec force. Une femme avec moi sur scène, c’est véritablement une concrétisation de tout ce que j’ai envie de raconter depuis toujours.Ce personnage à vos côtés rend le spectacle plus théâtral aussi…
Complètement, c’est assumé et c’est fait pour. J’ai été longtemps comédien de troupe, j’adorais, et ça commençait à me manquer. C’est la situation politique, la tourmente des années 90 qui m’ont fait continuer à jouer seul parce que c’était beaucoup plus pratique ; mais maintenant, je ressens depuis plusieurs années une envie très forte de jouer avec les autres. J’ai écris un spectacle pour deux hommes – qui est très avancé d’ailleurs – mais je l’ai arrêté pour créer ce spectacle avec Marianne Épin, que je connais très bien. J’admire énormément son travail, c’est une comédienne qui a une force de jeu absolument inouïe ; elle a une impressionnante palette émotionnelle, elle est très fantaisiste… Ce changement correspond a une évolution dans mon écriture, je voulais que le public me voit autrement parce que je n’avais pas envie de resservir la même soupe tout le temps.Mais avec ce personnage supplémentaire, très marqué, ne craignez-vous pas de tomber dans un côté plus folklorique ?
Quand je mets un stéréotype dans un spectacle, c’est souvent pour le détourner, pour le détruire, pour me moquer des mécanismes qui font que l’on invente des stéréotypes. Et là, j’ai essayé de m’intéresser à un couple qui n’est pas du tout le couple algérien que l’on imagine. C’est un couple qui porte des valeurs universelles, qui continue à vivre joyeusement dans des situations graves en racontant le monde, en racontant la vie, sans jamais tomber dans les clichés ; parce que conforter les clichés, pour moi c’est grave. Il faut essayer d’aller plutôt vers une vérité des choses, ce que les personnages essaient d’approcher : une vérité algérienne d’aujourd’hui qui n’est qu’un tremplin vers l’universalité. Je pense que le public ne se dit pas que c’est un couple d’Algériens qui lui raconte ses problèmes, mais un homme une femme, tout simplement.TOUS LES ALGÉRIENS SONT DES MÉCANICIENS
Du mardi 2 au samedi 6 décembre
à la MC2

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