D'ici et d'ailleurs

Figure incontournable de la danse africaine depuis une quarantaine d’années, Germaine Acogny débarque à la Rampe avec Waxtaan, le regard d’artistes sur les politiciens contemporains. Rencontre avec son fils Patrick, co-chorégraphe du spectacle. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Petit Bulletin : Waxtaan est un spectacle de danses africaines… au pluriel !
Patrick Acogny : Je travaille beaucoup sur la déconstruction des danses traditionnelles pour arriver à une forme plus contemporaine. Avec ma mère, on a décidé de partir de danses venues de plusieurs pays d’Afrique pour ne pas se focaliser uniquement sur le nôtre, le Sénégal. L’École des sables [créée par Germaine Acogny au Sénégal en 1998, ndlr] accueille ainsi des élèves d’une vingtaine de nationalités différentes, d’où cette volonté d’avoir ce côté représentatif d’autres cultures d’Afrique. Le tout pour servir le propos du spectacle. L’idée de départ vient de ma mère. Invitée à un sommet de politiciens, elle avait été très impressionnée par leur talent théâtral. L’idée lui est donc venue d’une pièce se concentrant sur les hommes politiques : ils sont là, dans un sommet, et ne font que parler ! On a travaillé sur le bavardage des corps et du rythme, avec beaucoup d’humour.Waxtaan peut ainsi se traduire par palabre…
En effet. En wolof – qui est, avec le français, l’une des deux langues officielles du Sénégal –, le mot se traduit par palabre, discussion. Il y a cette idée de montrer que dans les sommets, on parle, on parle, on parle, mais on attend toujours les résultats ! Pourtant, Waxtaan n’est pas une pièce qui cherche à choquer. On regarde tout ça avec beaucoup d’humour… Après, si ça fait bouger les choses, tant mieux ; mais si ça ne le fait pas, on aura au moins passé un bon moment de danse et de réflexion.Ces hommes de pouvoir que vous présentez, qui sont-ils ?
Les gens nous demandent souvent si ce sont des politiciens africains. On leur répond de regarder ce qui se passe dans beaucoup de pays : qu’on soit en France, en Allemagne, aux États-Unis, le cirque fait par les politiciens dépasse bien largement celui des Africains ! Ce ne sont pas tant des choses culturelles que de la politique politicienne. Après, il se trouve qu’on est Africains, donc on va montrer des politiciens africains, mais ça pourrait très bien être des politiciens européens, asiatiques ou autres. Le propos est assez universel de ce côté-là je trouve.Plus largement, quel regard portez-vous sur la danse contemporaine africaine ?
En tant que chercheur dans une université [Paris VIII, ndlr], je me pose la question suivante : où en est cette danse aujourd’hui ? D’abord, il y a de plus en plus de compagnies. On a pu en dénombrer quatre cents, ce qui n’est pas grand-chose ; mais quand on considère qu’il y a dix ans il n’en existait pratiquement pas (à peine une dizaine), le chiffre impressionne. Après, pour les démarches artistiques, elles valent ce qu’elles valent. Pour l’instant, on est dans l’exploration des différentes thématiques, avec des projets prometteurs, excitants, mais parfois lamentables aussi. Ce que je note, c’est qu’il y a aussi un souhait très fort des artistes de s’affirmer comme chorégraphes et pas seulement comme chorégraphes africains. Mais politiquement, ça ne suit absolument pas. Dans les pays africains, il n’y a pratiquement aucune aide pour la promotion de la danse, et pour la promotion de la danse africaine en particulier. Finalement, tous ces artistes dépendent de l’aide extérieure, ce qui pose de nombreuses questions, comme est-ce qu’on travaille pour l’Afrique et les Africains ou pour l’extérieur ?Et comment voyez-vous le futur de la danse contemporaine africaine ?
Vaste question… Je me demande surtout si on va prendre une direction similaire à celle de la danse contemporaine qu’on connaît en France ou si l’on est capables de prendre un chemin différent. Et cette question très actuelle sur la filiation de la danse contemporaine africaine avec la danse contemporaine occidentale me passionne.WAXTAAN
Mardi 24 mars à 20h, à la Rampe (Échirolles)

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