Décalage contrôlé

Portrait / On a longtemps cantonné Valérie Lemercier à ses interprétations télévisuelles et cinématographiques de bourgeoises toutes plus guindées et cintrées les unes que les autres, la frustration incombant à son rang toujours sur le point d’exploser en de fulgurantes saillies verbales (ou autres). De Lady Palace (dans la série Palace) à Béatrice de Montmirail (Les Visiteurs), en passant par Marie-Laurence Granianski (Opération Corned-Beef) et Maud Le Chesnay (Sexes Faibles !), Valérie semblait prendre un plaisir évident à camper ces résurgences obsolètes d’un autre temps, d’une vieille France décatie accrochée à ses privilèges au détriment de l’affectif et de l’humain, pour la bonne sauvegarde des convenances. Les Nuls furent parmi les premiers à discerner le large éventail de son spectre d’interprétation en lui offrant deux rôles inspirés de personnages de ses spectacles : tout d’abord dans la mythique Emission sur Canal, où Valérie fit des miracles en Odeline Fion, participante à l’Ecole du Fan, dans un sketch multi-rediffusé, puis en veuve à l’irrésistible accent du Sud dans La Cité de la Peur. De fait, Valérie Lemercier n’aura dès lors de cesse d’écorner l’image qu’elle peut projeter, en particulier dans sa filmographie en tant que réalisatrice. Dans Quadrille, Le Derrière ou Palais Royal !, elle nous décrit systématiquement l’irruption d’un corps inconnu dans un milieu fermé, select, bouffi de sa propre importance, et le jubilatoire jeu de massacre qui s’ensuit. Elle agit en observatrice distanciée, tout en semblant mettre en abyme ses propres démons, ses propres tentations de se plier à ces normes codifiées. C’est sur un canevas scénaristique singulièrement complémentaire qu’elle livrera d’ailleurs l’une de ses meilleures performances d’actrices, dans le très beau Vendredi soir de Claire Denis, dans le rôle d’une femme sur le point de se marier, et succombant au charme d’un autostoppeur. Au-delà de cette pure interprétation, reste avant tout une artiste secrète, s’investissant totalement dans ses personnages pour se préserver, mais toujours soucieuse d’étonner, de surprendre dans la moindre de ses performances. Ce qui fait tout son charme.
FC

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