Intrigues policières, complots et époustouflantes scènes d'action dans la Chine du VIIe siècle : avec Detective Dee, Tsui Hark fait son Sherlock Holmes, un divertissement trépidant et visuellement magistral.Christophe Chabert
Un peu vite transformé en auteur par l'intelligentsia française alors qu'il était avant tout un cinéaste mainstream aux mises en scène novatrices, Tsui Hark a connu un certain désamour dans les années 2000. Detective Dee devrait logiquement remettre les choses à leur place : si Hollywood a pillé son style et ses collaborateurs, Tsui Hark s'offre aujourd'hui le blockbuster que l'Amérique peine à réussir. Impossible, par exemple, de ne pas faire la comparaison avec le Sherlock Holmes de Guy Ritchie : on y trouve le même type de scénario à énigmes transplanté dans une reconstitution historique qui permet tous les délires numériques. Mais là où Ritchie n'arrive jamais à faire coïncider l'action et la progression de l'intrigue, adoptant une grammaire illisible d'un côté, plate de l'autre, Tsui Hark les imbrique par un geste baroque où tout est prétexte au spectaculaire, que ce soit une scène de combat, de comédie ou d'amour. Le gigantisme mégalo du film pourrait être sa faiblesse ; c'est au contraire sa raison d'être, la promesse d'un divertissement sans aucun temps mort.
L'aventurier de l'Hark perdu
Gigantisme : c'est justement l'érection d'un bouddha de 120 mètres qui lance l'Histoire. Celui-ci est construit en l'honneur de la future impératrice Wu Zetian. Lors d'une visite sur le chantier, le contremaître est transformé en quelques secondes en torche humaine. De l'enfer sombre et claustrophobe dans lequel travaillent les ouvriers à la cime du Bouddha tutoyant les nuages, du bas vers le haut, du peuple à ses élites et à ses Dieux, c'est une scénographie prométhéenne qu'orchestre Tsui Hark. Ainsi, le juge Dee, démocrate pragmatique revenu du bagne avec des idéaux de justice sociale, doit d'abord descendre dans les entrailles de la ville (incroyables séquences dans le Marché fantôme, sorte de cour des miracles chinoises mais qui rappelle aussi la taverne de Star Wars) avant de retourner sur les lieux du crime : le Palais impérial et le Bouddha enfin achevé. Le spectateur s'y perd, mais il est systématiquement rattrapé par la manche grâce à la furia visuelle de Tsui Hark, l'inventivité de ses scènes d'action et la luxuriance décorative autorisée par le numérique, évoquant le travail des designers de jeux vidéos. Avec ses mouvements de caméra impossibles, ses environnements aux variations infinies et ses intrigues aux ramifications labyrinthiques, Detective Dee ramène dans le cinéma le meilleur de la culture vidéoludique, y ajoutant ce sens du chaos qui a toujours été la marque de Tsui Hark.