Insidious

James Wan applique le principe du «less is more» dans ce remarquable film d'épouvante à l'ancienne qui rappelle opportunément l'objectif du genre : faire peur !Christophe Chabert

Révélé grâce à un film de vidéoclub opportuniste ayant ensuite connu une exploitation agressivement commerciale (Saw), James Wan aurait pu capitaliser sur ce succès et jouer les mercenaires au sein des studios. Avec une intégrité devenue rare, il a choisi au contraire de rester fidèle à une économie modeste, travaillant avec une ambition tout sauf dérisoire le cinéma de genre comme un territoire où tout n'a pas encore été montré et où le premier degré est indispensable pour susciter des émotions fortes. Après le film fantastique (Dead silence) et le film d'autodéfense (Death sentence), Wan situe Insidious à cheval entre le film de possession et le récit de maison hantée ; il y dépeint une gentille famille américaine qui s'installe dans sa nouvelle demeure. Après quelques alertes — un grenier inquiétant, des apparitions flippantes — Dalton, l'aîné des trois enfants, tombe dans le coma, et la mère est persuadée qu'une force maléfique cherche à s'emparer de son corps — le père est plus sceptique. Le reste de l'intrigue est riche en retournements de situations et climax terrifiants que Wan orchestre avec un indéniable savoir-faire.

La petite boutique des horreurs

Si Insidious fait la différence, c'est dans le soin apporté pour maximiser à l'écran ses maigres moyens, véritable manifeste pour un cinéma d'horreur pauvre en budget, mais riche en idées. Wan rappelle ainsi que pour créer l'effroi, il n'y a pas besoin de multiplier les décors, mais de savoir les mettre en scène en réfléchissant à l'endroit où l'on pose sa caméra, à la vitesse où on la déplace et à la manière dont les comédiens interagissent avec cet espace et dans cette durée. Les effets spéciaux, essentiellement mécaniques et réalisés sur le plateau, sont ainsi bien plus efficaces que tous les bidouillages numériques qui inondent le cinéma d'horreur contemporain. Wan met en abyme cet artisanat lorsqu'il fait débarquer dans le récit deux geeks qui ont fabriqué eux-mêmes leurs instruments pour détecter les présences démoniaques. Cela conduit à une séquence mémorable où l'angoisse naît de quelques ampoules de flash qui explosent, suggérant sans la montrer l'arrivée du mal. Dans son crescendo final, Insidious se fait plus figuratif, mais conserve cette puissance de littéralité : un diable est un diable, une sorcière une sorcière. Ce pourrait être grossier, c'est passionnant... Cette manière primitive de représenter la peur fait écho à la réussite globale du film, qui cherche à effrayer comme si aucun autre ne l'avait fait avant lui, sans cynisme et avec un amour sincère du genre.

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