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Le Blues de la rentrée

Le Blues de la rentrée

En cette rentrée musicale, Lyon a, comme tout un chacun, le blues. Sauf qu'en l'espèce, c'est plutôt très bon signe et annonciateur d'un automne riche en fibre musicale. Stéphane Duchêne

Inutile de présenter le blues du dimanche soir, c'est une réalité identifiée (quasi) scientifiquement. On sait d'ailleurs depuis cet été – en tout cas, pour ce que ça vaut, un sondage l'a montré – que le blues du dimanche soir commence en réalité le dimanche... matin pour atteindre un pic vers 16h13 – la science est implacable et précise comme une Rolex. Prenons donc ce phénomène et multiplions-le par la racine carrée de la rentrée scolaire, que multiplie la nostalgie d'un été doré, moins les bouchons et les marmots qui braillent à l'arrière du Kangoo, plus l'arrivée imminente de l'automne, et la perspective d'un dimanche après-midi de novembre devant Michel Drucker, et vous obtenez une sorte de super blues du dimanche soir : le blues de la rentrée. Avec ceci de spécifique qu'il peut – cela a été établi par nos soins à l'aide d'une savante approximation – durer jusqu'à Noël.

Talk about the blues

Car même si l'on s'en tient à un strict point de vue musical, notre rentrée 2012, «elle vient de là, elle vient du blues», comme dit notre poète national. Ça a même commencé très fort le 4 septembre dernier, le jour même de la rentrée scolaire (comment ne pas y voir un signe ?), par une prestation ferrugineuse du mal nommé Jack White au Transbordeur. Un concert qui a en quelque sorte donné le ton. Car question blues, au sens large, on attend cette saison quelques clients de haut vol. Or quand on «Talk about the blues», comme il le dit lui-même, qui débarque ? Jon Spencer et son Blues Explosion, bien sûr. Et si le show de White était à la limite de la sidérurgie, on frôlera ici la collision entre la forme la plus primitive du bluesman et le boson de Higgs, tant ça promet de tourner à mille à l'heure et de frotter dans les virages punks – s'attendre d'ailleurs aux mêmes symptômes de la part des garageux suédois de The Hives. Plus classique, plus tubesque sous la houlette d'un Dan Auerbach qui a plus d'un tour dans sa barbe, les Black Keys seront aussi de sérieux clients – les voilà qui remplissent la Halle Tony Garnier – tout comme ces braves rednecks de Left Lane Cruiser – qui se contentent, eux, du Clacson. Pendant ce temps ou presque, nos Drômois d'H-Burns reviendront tout juste – avec un album à venir surprenant – d'un enregistrement à Chicago, capitale du blues, avec Steve Albini, producteur roi du bleu de travail. Bref, de quoi largement guérir par mithridatisation notre blues de la rentrée.

My God is blue

Et après tout quoi de mieux que de guérir le mal par le mâl(e) ? Ce gros cochon de Sébastien Tellier l'a bien compris, qui a choisi d'en faire son fond de commerce artistique du moment avec My God is Blue, où la terre n'est pas, comme chez Paul Eluard, «bleue comme une orange», mais comme un Pépito – oui le blues de la rentrée peut avoir des effets irréversibles, il convient de rester vigilant et de consulter en cas de doute. C'est ainsi par exemple qu'il faudra surveiller tout signe de déprime lors des concerts de Françoiz Breut, Julia Stone ou Soap & Skin (effet secondaire possible : cœur brisé), de l'ex-Virago Olivier Depardon (crise de nihilisme), Chilly Gonzales (syndrome de Stendhal ou engourdissement des doigts), Ty Segall (crise de spasmophilie, dans le meilleur des cas), ou le retour de Dark Dark Dark (tout est dans le nom). Sans compter la mélancolie induite par le come-back de groupes de votre jeunesse – suivant l'âge de votre jeunesse – qu'il s'agisse de Bloc Party (années 2000), Garbage (années 90), Kas Product (années 80), de quelque revival indie-pop façon Purity Ring ou The Pains of Being Pure at Heart (ce nom) ou du Spiritualized de Jason Pierce dont un seul riff de sa guitare psychédélique peut vous envoyer aux urgences le corps empli de substances que vous n'avez jamais prises – rappelons que son album le plus connu reproduisait le design d'une boîte de médicaments.

Luminothérapie

Mais comme l'a si bien dit à Libération Benjamin Biolay, bientôt de retour avec Vengeance et en mai au Transbordeur : «La musique, c'est la BO de la vie. Même ceux qui haïssent le premier degré, qui peuvent traiter le genre de musique que je fais, ou que j'aime, de «peine à jouir», ils écoutent quoi quand ils rentrent chez eux avec un coup de cafard ? Un morceau bien intense...» Il a pas tort le Benji, et c'est sans doute là qu'interviendront le sémillant Tom McRae ou le néo-Nick Drake, en tout cas présenté comme tel, Benjamin Francis Leftwich. Pour autant ce trimestre offrira également de quoi ne pas caresser son blues dans le sens du poil avec de la bonne pop tordue mais rassérénante façon Why ? ou Deerhoof – tant qu'on s'échine à déterminer la nature musicale de ce qu'on écoute, on ne pense pas à autre chose – ou de la hype enthousiasmante 100% coqueluches indés: Alt-J, Citizens !, Django Django, Bewitched Hands, autant de groupes plus efficaces qu'une séance de luminothérapie. Et s'il y a un concert à ne pas rater pour se convaincre que tout ces histoires de blues de la rentrée c'est surtout dans la tête, c'est bien le concert coup de cœur proposé par le Kafé, qui nous avait déjà fait découvrir les bondissants Concrete Knives, en la personne de School is cool. Un quatuor dont la pop, belge – un gage de qualité et de drôlerie –, parvient à vous convaincre que l'école est finie alors même qu'elle commence. Ou tout du moins à lui donner comme un goût d'éternelles vacances.

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