Mercredi 6 octobre 2021 Sorti de sa retraite pour contrer une pandémie terroriste (et se venger de Blofeld), Bond se découvre de nouveaux ennemis… et des alliés et alliées inattendues. Retardé depuis 18 mois, l’ultime épisode interprété par Daniel Craig clôt par un feu...

C’était à prévoir : avec Sam Mendes aux commandes, ce nouveau James Bond n’est ni efficace, ni personnel, juste élégamment ennuyeux et inutilement cérébral. Christophe Chabert
Rappel des faits : avec Casino Royale, la plus ancienne franchise de l’histoire du cinéma tentait un lifting radical, à la fois retour aux origines du héros et volonté de lui offrir une mise à jour réaliste. Globalement salué, notamment à cause de l’implication de Daniel Craig pour camper un James Bond badass et pourtant vulnérable, ce premier volet s’est vu immédiatement entaché par une suite catastrophique, Quantum of Solace, qui courait pathétiquement derrière les Jason Bourne de Paul Greengrass et ne produisait que du récit indigent et de l’action illisible. Le prologue de Skyfall montre que les producteurs ont bien retenu la leçon : sans être révolutionnaire, il offre une scène d’action parfaitement claire et plausible, filmée avec calme et élégance — Roger Deakins, le chef op’ des Coen, est à la photo et cela se sent. La conclusion montre une fois de plus un Bond fragile, qu’une balle pourrait bien envoyer ad patres — là encore, beau plan sous-marin qui embraye sur un générique tout de suite plus kitsch, mais c’est la loi du genre.
Débondade
Après, stupeur ! Les faiblesses d’un script vite torché apparaissent, flagrantes : la résurrection de Bond, l’attaque du MI6, puis l’escapade à Shanghai et à Macao conduisent à un surplace esthétisant de près d’une heure dont on ne saisit ni les enjeux, ni l’intérêt. Comme dans Jason Bourne : l’héritage, dont la série Bond semble suivre consciemment ou inconsciemment les traces, Skyfall apparaît alors comme un blockbuster dénué d’action, d’humour ou de tout ce qui s’apparente de près ou de loin à du spectacle. Le comble est atteint lorsqu’à Macao, James Bond drague une James Bond girl incroyablement fade, avant de se battre mollement contre deux gros bras qui se feront bouffer par des alligators numériques bien foireux. Cette reprise mi-ironique, mi-nostalgique de la mythologie 007, filmée à deux à l’heure et éclairée dans de jolis tons ocres et mordorés, donne surtout le sentiment qu’on est face à une version sous sédatif de la période Roger Moore.
On pense que passée cette première heure et avec l’arrivée (enfin !) du méchant campé par un Javier Bardem péroxydé, les choses vont prendre de la consistance. Mais non, car Skyfall se retrouve dans un grand écart impossible entre premier degré pontifiant et deuxième degré grotesque. Bardem donc, ex-agent visiblement queer, édenté et porté sur le hacking vengeur, cabotine dans tous les sens, mais Sam Mendes ne semble pas s’en apercevoir, faisant comme si ce vilain de cartoon était la plus grande menace que le monde ait jamais connue ou un Hannibal Lecte(u)r de Têtu. Quant à Bond, le voilà aux prises avec un passé traumatique, psychanalyse hollywoodienne du héros tellement simpliste qu’elle s’avère contre-productive ; là où Mendes pense donner de la profondeur à la série, il souligne au contraire à quel point elle a un besoin vital de légèreté sous peine d’ennui mortel.
Chute libre
De toute façon, est-ce vraiment ce qu’on lui demande ? Ou plus exactement, va-t-on, à chaque fois qu’un studio cherchera à redynamiser ses franchises les plus lucratives, se farcir le modèle Dark knight-Nolan, plus sombre, plus cérébral, plus long et plus lent ? C’est bien la question qui se pose au sortir de Skyfall, prototype appliqué de cette auteurisation du blockbuster qui est en train de ravager durablement le cinéma d’action américain. Nolan avait pour lui d’être un scénariste brillant, capable de compresser en un récit clair et trépidant un nombre impressionnant d’intrigues et de personnages, tous traités avec soin et attention. Pour Mendes, comme pour Gilroy dans le dernier Bourne, la distance face à ce qui est raconté est tellement visible qu’on a la sensation d’assister à des exercices de style désincarnés, sinon à de pures et simples formules.
Sans vouloir jouer les vieux cons, quand Bryan Singer s’attaquait aux X-Men ou quand Sam Raimi s’emparait de Spider-Man, c’était avec un vrai projet de mise en scène et de réelles thématiques d’auteurs. Au bout des interminables 2h23 de Skyfall, on cherche toujours en quoi le personnage de Bond intéresse Sam Mendes sinon pour, dans un dernier mouvement plus malin que véritablement inspiré, finir de le remettre dans les traces de l’auguste Sean Connery tout en le faisant basculer dans le XXIe siècle. Ce qui revient à dire qu’il faut — encore — attendre la suite. Comme dit le proverbe : la patience a des limites.
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Christophe Chabert
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