Pop / La soixantaine passée, Étienne Daho a décidé de passer aussi la seconde sur son album le plus rock à ce jour. Un disque sombre et brillant de mille feux que le chanteur rennais vient faire exploser sur la scène de Fourvière, l'un de ses antres fétiches.
Après un passage en correctionnelle qui avait failli l'expédier une énième fois dans l'au-delà en 2013, lui qui quelques années plus tôt chantait Le Condamné à Mort de Genet, Étienne Daho avait finalement pu, non sans un léger différé, retrouver la santé et son innocence sur Les Chansons de l'Innocence retrouvée.
Un disque d'ailleurs pas si innocent que cela – le titre évoquait William Blake et une plantureuse créature aux seins nus sur la pochette avait failli la faire interdire – tant il marquait un vrai retour en forme et en grâce pour le chanteur après quelques flottements. Pour ainsi dire, on n'avait encore rien vu.
L'an dernier avec Blitz, énième album du retour – comme s'il s'agissait pour lui de ne cesser de revenir, y compris quand il n'est pas parti, problème des gens effacés – le Rennais désormais sexagénaire et célébré jusqu'à la Philharmonie de Paris (l'exposition Daho l'aime Pop) annonçait la couleur – on aurait pu écrire la colère – dès le titre, Blitz, donc, et la pochette, toujours : Daho en motard extérieur queer façon Scorpio Rising, ce sommet de cinéma underground signé Kenneth Anger, mêlant fétichisme à grosses cylindrées, scies 60's et embardées christiques.
De fait l'on pourrait attribuer à Blitz une partie de la définition que donnait le cinéaste de son film : un « Thanatos en chrome et cuir noir ». Mais un Thanatos comme paradoxalement animé d'une furieuse pulsion de vie.
Crooner doo-wop
C'est qu'ainsi fagotté, Daho embarque dans une équipée sauvage interlope et rugissante sur les flancs d'un disque nocturne, urbain, qui respire Londres et Los Angeles, sent le soufre et la mort, le deuil, l'ombre et la lumière, Hollywood Babylone autant que Sodome et Gomorrhe, ressuscite Syd Barrett (idole de toujours à l'origine de l'inclination "psycadélique" de Tombé pour la France) sur Chambre 29, se teinte, sur ce titre mais aussi The Deep End et ses brouillards « d'ashram in L.A. », de ce psychédélisme que semble exhaler Daho sur la pochette du disque dans une vapeur défiante et gracieuse.
Celle que sa voix monochrome et égale d'éternel adolescent pose sur ce petit chaos décadent de guitares gommant l'asphalte et de rythmiques à pistons comme pour faire semblant de les dompter, conscient qu'il est des choses qu'on ne maîtrise pas et qu'il vaut mieux laisser aller. Et de lâcher en sortie de route, sur Nocturne, crooner doo-wop quasi lynchien : « nous allons voyager léger ».
Toujours entre ici et ailleurs, c'est ce que n'a jamais cessé de faire Étienne Daho. Sexagénaire épanoui, le voilà sans doute moins encombré que jamais, qui peut mener encore ce genre de guerre éclair à sa discographie. Et éblouir toujours.
Étienne Daho
Au Théâtre Antique de Fourvière le lundi 11 juin