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★★★☆☆ Les Damnés ne pleurent pas
Maroc. Mère célibataire d'un grand adolescent prénommé Selim, Fatima-Zahra est auréolée d'une odeur de soufre jusque dans sa propre famille. Obligée de partir à la cloche de bois, elle arrive avec son fils à Tanger, dans l'espoir de recommencer leur étrange vie à deux. Mais à quel prix ?
Présenté en compétition lors du dernier festival Écrans Mixtes où il a décroché le Grand Prix Road, ce road movie, emmené par la solaire Aïcha Tebbae, ne ment pas sur son titre : certains (et surtout certaines) doivent payer à vie des “fautes“ dont ils ne sont pas responsables, subir jusqu'au trépas l'opprobre sans se plaindre, voire le transmettre à leur descendance... Un siècle plus tard et de l'autre côté de la Méditerranée, on n'est pas si loin de certains films de Pagnol. Bien sûr, la question de la sexualité est ici plus ouvertement abordée — et notamment son versant tarifé, perçu comme une possibilité d'émancipation autant qu'un miroir aux alouettes. En effet, Selim se trouve un amant européen qui l'emploie dans son riad... mais le “remet à sa place“ lorsque son légitime débarque. Comme sa mère, il se retrouve ravalé au rang d'objet de divertissement périssable dans cette société gouvernée par l'hypocrisie.
De Fyzal Boulifa (Fr.-Bel.-Mar, 1h41) avec Aïcha Tebbae, Abdellah El Hajjouji, Antoine Reinartz...
★★★☆☆Sabotage
Venus de Californie, du Dakota ou d'ailleurs aux États-Unis, un petit groupe de jeunes activistes se retrouve au Texas pour mener une opération visant ébranler l'industrie pétrolière, la plus responsable à leurs yeux des multiples crises environnementales. À chacun d'entre eux sa motivation profonde...
Ce suivi méthodique d'une opération “d'éco-terrorisme“ rappelle évidemment Night Moves (2013). Mais là où Kelly Reicherdt s'attachait aux conséquence funestes de l'acte et à son empreinte sur la conscience des responsables, Daniel Goldhaber scande son récit de flash-back portant sur les causes expliquant — pour ne pas dire qu'elles légitiment — l'engagement sacrificiel des militants. Excluant toute perte humaine (si ce n'est la leur) et toute pollution, leur coup d'éclat est une réponse à l'empoisonnement systémique dont ils ont été, directement ou non, les victimes. Adaptation d'un livre ayant donné son titre original au film (Comment faire sauter un pipeline), Sabotage se montre en effet très explicite ; il y a d'ailleurs comme un parallèle entre la construction d'une théorie de la riposte pragmatique et celle de l'organisation concrète de l'action sur le terrain. En plus de cette trame politique forte, Goldhaber instille des éléments sentimentaux et du suspense qui rendent jusqu'aux dernières secondes l'intrigue captivante. On n'est pas loin de l'art de Soderbergh — ce qui n'est pas un mince compliment.
De Daniel Goldhaber (É.-U., 1h44) avec Ariela Barer, Kristine Frøseth, Lukas Gage...